Par Adama Ouédraogo Damiss | Lementor.net
Dans quelques jours, l’Afrique entière se donnera rendez-vous au Maroc pour vibrer au rythme de la 35ᵉ édition de la plus prestigieuse des compétitions continentales. La Coupe d’Afrique des Nations s’ouvrira le 21 décembre 2025 au Complexe sportif Prince Moulay Abdellah de Rabat, avant de livrer son verdict le 18 janvier 2026 dans cette même enceinte de la capitale marocaine.
À l’approche du coup d’envoi, les sélectionneurs nationaux ont rendu publiques les listes des joueurs retenus. Comme de tradition, ces choix n’ont pas manqué de susciter débats et controverses, de l’Afrique du Sud à l’Algérie, en passant par le Burkina Faso, le Mali, le Sénégal ou encore la République démocratique du Congo.
En Côte d’Ivoire, la polémique la plus vive concerne la non-sélection de Nicolas Pépé. L’ailier de Villarreal, pensionnaire de la première division espagnole, affiche une forme étincelante et semblait disposer des arguments sportifs suffisants pour renforcer le secteur offensif des Éléphants. Son absence apparaît d’autant plus frustrante qu’elle survient dans un contexte particulièrement sensible : l’ancien joueur d’Arsenal est récemment devenu la cible d’insultes racistes à la suite d’une interview dont certains propos, jugés déplacés, ont suscité une vive indignation au Maroc.
Malgré des explications ultérieures, présentées sur le ton de la plaisanterie, et des excuses publiques, la polémique n’a pas faibli. Pour de nombreux supporters ivoiriens, l’entraîneur Emerse Faé et la Fédération ivoirienne de football (FIF), laquelle a d’ailleurs publié un communiqué officiel de soutien à Nicolas Pépé, auraient dû maintenir l’attaquant dans le groupe appelé à défendre les couleurs nationales au Maroc. Son exclusion est perçue comme un coup porté au moral d’un joueur qui a, par le passé, beaucoup donné à la sélection.
Il existe, à l’évidence, des raisons légitimes de colère et de frustration. Toutefois, certaines réalités objectives méritent d’être prises en considération, et il est probable qu’elles aient pesé dans la décision de la FIF et du sélectionneur national. Les stades d’Afrique du Nord sont réputés pour leur atmosphère singulièrement hostile aux équipes adverses. Le public y est fervent, passionné, parfois excessif, et n’hésite pas à user de la provocation comme d’une arme psychologique.
Dans un tel contexte, la présence de Nicolas Pépé à cette CAN aurait pu transformer chacune de ses apparitions sur le terrain en véritable épreuve mentale, sous la pression de tribunes massivement acquises à l’adversaire. La Côte d’Ivoire se serait alors exposée à une adversité dépassant le strict cadre sportif, évoluant dans une atmosphère globalement défavorable.
Dès lors, Nicolas Pépé mérite incontestablement d’être soutenu par des prises de position claires et fermes, à l’image de celle déjà exprimée par la Fédération ivoirienne de football. D’autres institutions sportives, ainsi que des figures reconnues du football ivoirien et africain, gagneraient à lui témoigner la même solidarité. Mais il importe tout autant de le protéger, afin de ne pas l’exposer à des situations susceptibles de lui nuire personnellement et, par ricochet, de porter préjudice à l’équipe nationale ivoirienne.
De nombreuses sélections et plusieurs clubs ont, par le passé, vécu de véritables épreuves dans certains pays du Maghreb à l’occasion de compétitions sportives. De l’aéroport à l’hôtel, puis jusqu’au stade, la pression est souvent constante, parfois oppressante. Il arrive même que les dispositifs de sécurité ferment les yeux, voire se montrent complaisants face aux débordements de supporters. L’expérience peut alors se transformer en un véritable calvaire, aussi bien humain que sportif.
Au-delà des propos tenus sur le Maroc, à l’origine de la mise à l’écart de Nicolas Pépé, il convient également de considérer certaines de ses déclarations relatives au gardien de but Alban Lafont et, plus largement, aux joueurs binationaux. Quelles qu’aient été ses intentions, ces propos sont susceptibles de créer des incompréhensions, voire des frustrations au sein du groupe, et de fragiliser la cohésion, pourtant indispensable à toute équipe engagée dans une compétition de haut niveau.
Les Éléphants de Côte d’Ivoire, à l’instar de toutes les sélections prétendant aller loin dans cette CAN, ont besoin d’une unité sans faille et d’une sérénité collective sur et en dehors du terrain. Dans cette perspective, la question Nicolas Pépé dépasse le simple débat sportif : elle interroge l’équilibre délicat entre performance, cohésion interne et protection des joueurs face à des environnements parfois excessivement hostiles.
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