Annoncée comme un symbole fort de la transition énergétique en Côte d’Ivoire, la centrale solaire de Katiola suscite aujourd’hui une polémique inattendue. Deux sources pourtant officielles avancent des chiffres contradictoires sur sa production annuelle d’électricité. Le Conseil des ministres évoque une capacité de 85 934 mégawattheures par an, tandis que la société JC Montfort, impliquée dans le projet, parle de 72 921 mégawattheures. Cette divergence, qui dépasse les 13 000 MWh, soulève des interrogations sur la fiabilité des données et la transparence du projet.
Une vitrine énergétique à deux visages
Située dans le centre-nord de la Côte d’Ivoire, la centrale solaire de Katiola est un projet présenté comme exemplaire par les autorités ivoiriennes. Portée par une ambition nationale de diversification du mix énergétique, elle s’inscrit dans une stratégie plus large visant à réduire la dépendance aux énergies fossiles. Dans son communiqué officiel, le gouvernement met en avant une production annuelle estimée à 85 934 MWh, accompagnée d’un coût total de 33 milliards de francs CFA. Cette performance attendue est censée renforcer la sécurité énergétique du pays et diminuer son empreinte carbone.
Mais la version publiée par la société JC Montfort, un acteur associé au projet, vient semer le doute. Sur son site officiel, l’entreprise annonce une production annuelle de seulement 72 921 MWh, soit une différence de près de 15 %. Cette même source ajoute que la centrale permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’environ 4 750 tonnes de CO₂ par an, un détail absent du communiqué gouvernemental.
Une divergence aux conséquences multiples
À première vue, cet écart pourrait sembler mineur dans l’ampleur d’un projet d’infrastructure. Pourtant, la différence entre les deux estimations interroge sur plusieurs plans. D’un point de vue technique, il est possible que les deux sources s’appuient sur des méthodologies différentes. Le gouvernement pourrait avoir communiqué une production théorique, calculée sur la base d’un rendement optimal et continu, tandis que JC Montfort s’appuierait sur des données tenant compte des réalités opérationnelles comme les périodes de maintenance, les aléas climatiques ou les pertes techniques.
Au-delà des aspects techniques, cette différence alimente aussi une lecture politique. En période de forte communication autour du développement durable, il n’est pas exclu que les chiffres les plus flatteurs soient mis en avant pour illustrer les engagements du pays. Cette approche, bien que courante, soulève des questions sur la rigueur et la transparence attendues dans les projets d’intérêt public.
Enjeux de crédibilité et appel à la clarification
La polémique autour des chiffres de la centrale de Katiola arrive à un moment où la Côte d’Ivoire renforce ses partenariats avec des bailleurs de fonds internationaux pour développer les énergies renouvelables. Dans ce contexte, une incohérence aussi marquée dans les données officielles peut nuire à la crédibilité du pays. Elle complique également la tâche des planificateurs énergétiques, qui doivent pouvoir s’appuyer sur des chiffres fiables pour anticiper les besoins et les capacités du réseau électrique national.
Face à cette situation, plusieurs voix s’élèvent pour demander davantage de transparence. Une clarification technique, voire un audit indépendant, permettrait d’harmoniser les données et de rétablir la confiance dans la gestion du projet. Car au-delà des chiffres, ce sont les engagements climatiques de la Côte d’Ivoire qui sont en jeu, ainsi que la perception de la qualité de sa gouvernance énergétique.
Une ambition à consolider
Malgré cette controverse, la centrale solaire de Katiola demeure un projet stratégique. Qu’elle produise 72 921 ou 85 934 MWh par an, elle constitue une avancée importante vers une production d’électricité plus propre. Elle permettra de répondre à une partie des besoins croissants de la population, tout en réduisant la pression sur les sources d’énergie conventionnelles. Mais pour que ce projet devienne une véritable référence en matière de développement durable, il devra s’appuyer sur une communication claire, des données cohérentes et une volonté de transparence. Car dans la transition énergétique, la rigueur n’est pas seulement une exigence technique, elle est aussi un engagement politique.
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