Par CB
À l’approche de la présidentielle d’octobre 2025, la Côte d’Ivoire offre le spectacle d’un paysage politique à la fois imprévisible et morcelé. Tandis que les projecteurs restent braqués sur le palais présidentiel et ses potentiels héritiers, c’est du côté de l’opposition que se joue le scénario le plus intrigant voire le plus incertain. Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Simone Gbagbo, Charles Blé Goudé, Tidjane Thiam… Autant de figures longtemps antagonistes, que l’on devine désormais tentées par un rapprochement. Unies, semble-t-il, par une idée simple mais puissante : empêcher une nouvelle victoire d’Alassane Ouattara ou de son camp.
Mais cette convergence est-elle autre chose qu’un alignement ponctuel de circonstances ? N’a-t-elle pour socle qu’un refus partagé plutôt qu’un projet commun ? Dans les salons feutrés d’Abidjan comme dans les maquis populaires, la même interrogation revient : que veulent-ils vraiment construire ensemble, au-delà du rejet ?
L’unité du rejet, pas celle du projet
L’accumulation de ressentiments peut-elle tenir lieu de vision ? Rien n’est moins sûr. À observer les signaux envoyés ces dernières semaines, l’opposition donne davantage à voir une coalition émotionnelle qu’un attelage idéologique. Le “non” à Ouattara peut séduire les déçus du régime, mais il reste insuffisant pour rassurer sur une capacité réelle à gouverner en commun.
Les discours d’unité peinent à masquer les fractures. Les égos affleurent, les divergences de parcours réapparaissent. Et sans socle programmatique partagé, comment bâtir une alternative cohérente et durable ? À vouloir additionner les frustrations, l’opposition risque de soustraire les espoirs.
Des leaders en quête de revanche ?
Les figures de l’opposition ne reviennent pas vierges dans l’arène : elles y reviennent avec leur passé, leurs blessures, leurs comptes à régler. Laurent Gbagbo rêve de tourner définitivement la page de La Haye et de laver l’affront subi. Simone Gbagbo, affranchie de l’ombre de son ex-mari, cherche à écrire sa propre page politique. Guillaume Soro veut revenir en conquérant, fort d’un exil qu’il transforme en capital politique. Tidjane Thiam, lui, mise sur son image de technocrate propre et compétent, loin des joutes partisanes. Quant à Charles Blé Goudé, il s’efforce de reconquérir la jeunesse, autrefois acquise à sa cause.
Mais cette addition de trajectoires singulières forme-t-elle un tout cohérent ? Derrière les sourires affichés et les poignées de main captées par les caméras, l’opinion publique perçoit déjà les calculs, les méfiances, les rivalités larvées. Et peut-être commence-t-elle à douter de la sincérité de cette union.
Un peuple en attente de solutions
Des rues de Bouaké à celles de Gagnoa, en passant par Yopougon, les Ivoiriens n’en peuvent plus des discours de rejet. Ils réclament des réponses concrètes. Que proposent ces opposants pour lutter contre le chômage massif des jeunes ? Pour améliorer l’accès aux soins, réformer l’éducation, stabiliser les prix ? À ce jour, peu de choses émergent de ce front commun, si ce n’est une volonté de reconquête.
Sans programme chiffré, sans feuille de route claire, l’opposition semble fuir les vraies batailles. Celles du quotidien. Et pourtant, c’est là que tout se joue désormais : dans la capacité à traduire une colère populaire en espoir tangible.
Jusqu’où iraient-ils ?
Si cette dynamique de rejet ne se mue pas rapidement en projet structuré, le réveil pourrait être brutal. Car les Ivoiriens n’éliront pas un simple “contre”, mais bien un “pour” — un homme ou une femme capable d’incarner une vision, de fédérer autour d’un avenir.
Une alliance purement tactique, sans colonne vertébrale politique, ne suffira pas. À moins d’un sursaut stratégique, l’opposition pourrait s’enliser dans un front stérile, incapable de transformer l’indignation en alternative, l’unité de façade en ambition nationale.
Il ne suffit pas de dire “non” pour faire naître un avenir. Encore faut-il avoir quelque chose à proposer.
Leave a comment