À l’horizon de 2025, la Côte d’Ivoire se tient à nouveau devant un miroir où se reflètent ses rêves brisés, ses espoirs renaissants, et ses éternelles batailles. Le pays, comme une rivière en crue, porte les cicatrices de décennies d’affrontements et de réconciliations éphémères. Alors que les alliances se forgent dans l’ombre et que les vieux visages se redessinent sous de nouvelles bannières, une question murmure dans le vent : 2025 sera-t-elle différente de 1995, de 2000, ou encore de 2011 ?
Depuis trente ans, la scène politique ivoirienne ressemble à une danse répétitive, où les mêmes pas sont esquissés par des acteurs qui, tour à tour, deviennent amis ou ennemis. Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, feu le Général Robert Guéï, et feu Henri Konan Bédié, ces noms résonnent comme les notes d’une symphonie inachevée, jouée sur le fil tranchant de l’histoire. Ensemble, ils ont capté l’imaginaire d’une nation, cristallisé les passions, mais laissé derrière eux un sillage de crises, de rébellions, de palabres interminables et d’incompréhensions.
En 2025, la Côte d’Ivoire semble figée dans une boucle temporelle, où les mêmes débats, naguère brûlants, se réchauffent encore et encore : ivoirité, liste électorale, Commission Électorale Indépendante. Rien ne bouge, rien ne change, et pourtant tout semble plus fragile que jamais. Comme une horloge arrêtée, le pays attend que le temps reprenne son cours, mais les aiguilles restent fixées sur les mêmes inquiétudes, sur les mêmes incertitudes. Pendant ce temps, la qualité de vie des Ivoiriens stagne, leurs rêves s’effritent sous le poids des promesses non tenues. L’Indice de Développement Humain, ce baromètre de la dignité humaine, reste une ombre dans les discours officiels, relégué au second plan, comme une mélodie que l’on préfère ne pas entendre.
Les alliances, dans ce théâtre politique, sont tissées comme des toiles d’araignée, fines, fragiles, mais mortelles. On s’allie aujourd’hui avec ceux que l’on combattait hier, non par conviction, mais par nécessité, par calcul. Ce sont des « deals » scellés dans la pénombre, sur le dos d’un peuple qui, lui, regarde le ciel, espérant un signe, une lueur d’espoir. Mais dans cette danse macabre, où est l’intérêt du peuple ? Où est la justice, où est l’humanité ?
2025 ne doit pas être une autre année de deals. Elle doit être celle des défis. Le défi de tenir une élection sans violence, où chaque voix, même la plus faible, sera entendue, où le vote ne sera pas une simple formalité, mais une véritable expression de la volonté populaire. Le défi de sortir des ombres du passé, de rompre avec ces décennies de douleur, de peur, et de méfiance.
Cette année électorale marque aussi la fin d’une ère. Alassane Ouattara, en bout de course, contemple l’horizon avec un regard tourné vers la transmission du flambeau. Laurent Gbagbo, dans une atmosphère de revanche, entre en scène avec des chaînes invisibles, traînant derrière lui le poids de l’histoire et des attentes déçues. Et puis, il y a le « jeune » Tidiane Thiam, l’étoile montante, porteur d’un renouveau espéré, qui tente d’incarner le changement, cette promesse trop longtemps reportée.
Jean-Louis Billon, quant à lui, est face à un dilemme cornélien, déchiré entre la discipline de son parti, le PDCI, et ses propres ambitions. De Président du Conseil d’Administration à candidat potentiel à la présidence de la République, son parcours ressemble à un saut dans l’inconnu, un parachutage audacieux dans une arène politique où les vents peuvent être aussi cruels qu’imprévisibles. Billon semble tiraillé, entre la fidélité à la vieille garde et son aspiration à mener le changement, dans un jeu d’équilibre où chaque faux pas pourrait être fatal.
Pendant ce temps, Tiémoko Meyliet Koné, le vice-président de la République, reste une figure énigmatique. Invisible pour le grand public, il incarne une certaine forme de sagesse silencieuse, héritée de ses longues années d’expertise. Son rôle, bien que discret, n’en demeure pas moins crucial. Dans cette marée d’ambitions déchaînées, Meyliet pourrait bien être l’ancre qui stabilise le navire ivoirien, même si son silence est souvent perçu comme un signe de faiblesse dans un monde où le bruit des ambitions couvre la voix de la raison.
Et au milieu de cette forêt de prétendants, déclarés ou non, chacun espère secrètement être celui qui conduira le navire ivoire vers des horizons inexplorés. Les ambitions personnelles, les rêves de grandeur, et les calculs politiques se mêlent dans un ballet complexe, où chaque candidat, chaque leader, tente de dessiner une nouvelle carte pour un pays en quête de rédemption.
Pour le peuple ivoirien, 2025 est une année de toutes les attentes, mais aussi de toutes les angoisses. Entre la crainte de retomber dans les mêmes erreurs et l’espoir d’un lendemain meilleur, les cœurs battent au rythme des incertitudes. Cette élection, peut-être plus que toutes les autres, doit être celle de la renaissance, celle d’un renouveau véritable, où la voix du peuple ne sera plus étouffée par les clameurs des ambitions personnelles.
Les Ivoiriens ont trop souvent été les témoins impuissants des jeux de pouvoir qui les dépassent. En 2025, ils méritent plus qu’une nouvelle partition jouée par des acteurs vieillissants. Ils méritent une symphonie nouvelle, une mélodie où chaque note, chaque souffle, sera dédié à leur bien-être, à leur avenir. Ce ne doit pas être l’année des deals, mais celle où les défis de la démocratie, de la justice, et du développement seront enfin relevés.
Le temps est venu pour la Côte d’Ivoire de tourner la page des illusions et de tracer un chemin vers un avenir de paix, de progrès et de prospérité partagée. 2025 pourrait être l’aube d’une nouvelle ère, ou le crépuscule d’un rêve inachevé. Mais, cette fois-ci, les Ivoiriens espèrent que l’histoire retiendra le premier, et non le second.
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