Par Bakary Cissé – Lementor.net
La Côte d’Ivoire aborde une nouvelle étape de son développement avec une conviction forte : le pays ne pourra réussir sa transformation structurelle sans une jeunesse qualifiée, employable et alignée sur les besoins réels de l’économie. Le Plan national de développement 2025-2030 pose ce principe avec clarté et ambition. Pourtant, un paradoxe persiste et inquiète : les entreprises peinent à recruter des techniciens compétents, des ingénieurs de terrain ou des ouvriers spécialisés, tandis que des milliers de jeunes diplômés restent sans emploi ou exercent des métiers sans rapport avec leur formation.
Cette inadéquation, devenue un problème national, freine la compétitivité du pays et crée un sentiment d’injustice chez une jeunesse qui représente pourtant la principale ressource démographique de la nation. Mais pour la première fois, des réformes structurantes apportent un début de réponse cohérente. L’Approche par Compétences, désormais adoptée, marque la fin d’un enseignement trop théorique et insuffisamment connecté au tissu productif. Elle conditionne la formation à la capacité des étudiants à maîtriser des gestes professionnels, à résoudre des problèmes concrets et à s’adapter aux exigences des entreprises. C’est une révolution silencieuse mais fondamentale.
Cette dynamique s’incarne dans des initiatives de terrain comme la formation duale en maintenance industrielle portée par l’IECD, qui combine théorie en centre de formation et immersion en entreprise. Les premiers résultats sont probants : les jeunes formés selon ce modèle trouvent un emploi presque immédiatement, confirmant la pertinence d’un apprentissage ancré dans le réel. La généralisation d’un tel dispositif ouvrirait une nouvelle ère pour l’enseignement technique ivoirien.
À cette mutation pédagogique s’ajoutent des partenariats internationaux décisifs. L’accord conclu avec l’Université du Québec à Trois-Rivières et la Fédération des Cégeps permettra d’introduire des programmes post-bac de haut niveau, reconnus à l’international et alignés sur les exigences technologiques contemporaines. Il ne s’agit pas de copier un modèle étranger, mais d’adapter des standards reconnus aux réalités ivoiriennes afin d’élever durablement la qualité des formations.
Mais une réforme, même pertinente, ne peut prospérer sans infrastructures adéquates. Le Projet AVIC constitue sur ce point une véritable colonne vertébrale. Dix nouveaux établissements ouvriront dès la rentrée 2025-2026, tous dotés d’internats pour accueillir des jeunes de toutes les régions. À plus long terme, ce sont 154 établissements qui verront le jour d’ici 2040, permettant de décentraliser l’offre, de désengorger les centres urbains et de donner une chance aux élèves des zones rurales. L’IPNETP, quant à lui, vient d’être modernisé avec des équipements de pointe en intelligence artificielle, automatisme ou génie mécanique, symbole d’un État qui investit enfin dans les métiers du futur.
La vision du ministère inclut également les jeunes en rupture scolaire, grâce au programme « École de la deuxième chance ». Dans un pays où les trajectoires éducatives peuvent être chaotiques, offrir un accès à la formation professionnelle représente un impératif social autant qu’économique. Cela permet d’élargir la base des compétences disponibles et de réduire les inégalités.
La transformation est en marche, mais elle exige encore rigueur et constance. Les formateurs doivent être préparés aux nouvelles méthodes. Le secteur privé doit être davantage impliqué dans la conception des programmes et l’accueil des apprenants. Les équipements modernes doivent être entretenus, faute de quoi les promesses initiales s’éroderont. Et surtout, l’insertion professionnelle des diplômés devra être suivie de près, avec des indicateurs clairs et publics.
La Côte d’Ivoire dispose aujourd’hui d’une opportunité rare. Si elle parvient à aligner formation et besoins de l’économie, elle offrira à sa jeunesse les moyens de jouer pleinement son rôle dans l’industrialisation du pays. Le défi n’est plus seulement de former, mais de former juste. Et c’est à cette condition que le PND 2025-2030 deviendra un véritable levier d’emploi et de prospérité durable.
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