Robert Bourgi, dans son livre explosif « Ils savent que je sais tout – Ma vie en Françafrique », dévoile les coulisses de ce système opaque qui a longtemps marqué les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines. Les révélations fracassantes de Bourgi, qui se décrit comme un acteur majeur de cette Françafrique, ont secoué le débat public, notamment lorsqu’il cite une déclaration attribuée à Nicolas Sarkozy : « Je vais vitrifier Laurent Gbagbo ». Cette phrase, prononcée au plus fort de la crise postélectorale ivoirienne de 2010-2011, met en lumière les interventions extérieures dans les affaires internes africaines. Mais au-delà des polémiques, qu’en est-il de la gestion d’Alassane Ouattara, figure centrale de cette période, et de son impact sur la Côte d’Ivoire ?
La crise postélectorale : Un moment charnière
Pour comprendre l’ascension d’Alassane Ouattara et son rôle dans la transformation de la Côte d’Ivoire, il est essentiel de replacer la crise postélectorale dans son contexte. En 2010, après une décennie d’instabilité et de division politique, le pays s’était enfin engagé dans un processus électoral, censé restaurer l’ordre constitutionnel. Laurent Gbagbo, alors président sortant, refuse de reconnaître les résultats des élections validées par la communauté internationale, plongeant la Côte d’Ivoire dans une nouvelle phase de violence. C’est dans ce climat que l’intervention militaire française s’est inscrite, visant à imposer l’ordre constitutionnel et à installer Ouattara, perçu comme le vainqueur légitime du scrutin.
Cependant, les critiques pointent du doigt cette intervention comme une preuve d’ingérence, alimentant les théories d’un Ouattara « pion » de la France. Pourtant, une analyse plus profonde montre que la situation était bien plus complexe. Le refus de Gbagbo de céder le pouvoir et l’escalade de la violence avaient créé une urgence qui nécessitait une action décisive, et Ouattara, en tant qu’économiste respecté sur la scène internationale, incarnait une solution stable pour sortir le pays de l’impasse.
Alassane Ouattara : Architecte de la reconstruction économique
Depuis son accession à la présidence en 2011, Alassane Ouattara a mis en place une série de réformes structurelles qui ont fait de la Côte d’Ivoire l’une des économies les plus dynamiques de l’Afrique de l’Ouest. Sous sa gouvernance, le PIB a connu une croissance impressionnante, passant de 4,7 % en 2011 à des taux avoisinant les 8 % dans les années qui ont suivi. Cette croissance, loin d’être superficielle, repose sur des investissements massifs dans les infrastructures, une réforme du système fiscal et un climat des affaires favorable aux investisseurs étrangers. Le secteur agricole, pilier de l’économie ivoirienne, a également été modernisé, augmentant ainsi la productivité du cacao et d’autres produits d’exportation essentiels.
Ouattara a, en outre, su restaurer la confiance des partenaires internationaux et des institutions financières. Sous sa présidence, le pays a entrepris de réformer la gouvernance, en luttant contre la corruption et en renforçant l’État de droit. Contrairement aux assertions de Bourgi qui voudraient faire passer Ouattara pour un simple acteur manipulé par Paris, ses actions montrent une volonté d’émanciper la Côte d’Ivoire de la dépendance à la France en diversifiant les partenariats internationaux, notamment avec la Chine, la Turquie et d’autres acteurs mondiaux.
La question de la Françafrique et de l’ingérence
Il est indéniable que la Françafrique a laissé des traces profondes dans les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines. Toutefois, présenter Ouattara comme un pur produit de cette ère serait une simplification réductrice. L’homme a toujours cultivé une approche pragmatique, se concentrant sur les intérêts de la Côte d’Ivoire avant tout. Les révélations de Bourgi, bien qu’explosives, ne doivent pas occulter les transformations réelles opérées sous son mandat.
En dépit des critiques sur son rôle durant la crise de 2010, Ouattara a su tourner la page de cette période sombre en réintégrant ses adversaires politiques. Le retour de Laurent Gbagbo en 2021 et la normalisation de la vie politique témoignent de la capacité de Ouattara à privilégier la stabilité nationale sur les querelles personnelles. Cette réconciliation, bien qu’imparfaite, est un signe de maturité politique dans un pays qui, pendant des années, a été marqué par des rivalités fratricides.
Françafrique : Héritage ou fardeau ?
Si les révélations sur la Françafrique continuent de hanter l’imaginaire politique africain, il est important de reconnaître que le paysage géopolitique a changé. La Côte d’Ivoire, sous Ouattara, a su diversifier ses alliances et s’affranchir de la tutelle exclusive de la France. Certes, les liens historiques demeurent, mais l’influence d’autres puissances mondiales, notamment la Chine et la Turquie, est de plus en plus visible dans les grands projets de développement du pays.
À l’aube des élections de 2025, le bilan de Ouattara reste contrasté, mais il est indéniablement marqué par une volonté de modernisation et de stabilisation. La Côte d’Ivoire est passée d’un pays divisé à une nation qui se reconstruit et qui aspire à jouer un rôle majeur dans la région ouest-africaine. Ce moment charnière offre aux Ivoiriens l’opportunité de tourner définitivement la page de la crise postélectorale et de se projeter dans un avenir où la démocratie et la prospérité seront consolidées.
Conclusion : Ouattara, entre héritage et avenir
La question de l’influence de la Françafrique sur la Côte d’Ivoire, bien que pertinente, ne doit pas occulter les progrès accomplis sous la présidence d’Alassane Ouattara. En dépit des ombres du passé, Ouattara a su redéfinir les relations internationales de son pays et impulser un renouveau économique salué à travers le continent. Le véritable défi pour la Côte d’Ivoire est désormais de poursuivre cette trajectoire ascendante tout en renforçant ses institutions démocratiques et en résistant aux influences extérieures, qu’elles viennent de l’ancien colon ou d’autres puissances émergentes.
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