Guillaume Soro, l’ancien chef de la rébellion et ancien Premier ministre de Côte d’Ivoire, a annoncé le 13 novembre 2023 qu’il mettrait fin à son exil et qu’il rentrerait dans son pays avant la fin de l’année. Il a fait cette déclaration sur X, une plateforme de communication cryptée, sans préciser la date exacte de son retour. Il a également affirmé que sa candidature à l’élection présidentielle de 2025 était « irrévocable » et qu’il était prêt à affronter les obstacles qui se dressent sur son chemin.
Mais quel accueil lui sera réservé en Côte d’Ivoire, où il est considéré comme un ennemi public par le pouvoir en place ? Guillaume Soro, 49 ans, fait face à plusieurs procès et condamnations qui pourraient compromettre ses ambitions politiques. Il a été condamné en son absence à 20 ans de prison ferme pour « recel de détournement de deniers publics » et « blanchiment de capitaux » en avril 2020. Il a également été condamné à la prison à perpétuité pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » en juin 2021. Il est accusé d’avoir fomenté une « insurrection civile et militaire » visant à renverser le régime d’Alassane Ouattara en décembre 2019, lors de son retour avorté en Côte d’Ivoire.
Guillaume Soro dénonce ces procès comme des « parodies de justice » et des « persécutions politiques » visant à l’écarter du jeu électoral. Il se dit victime d’une « chasse à l’homme » de la part du président Ouattara, qu’il accuse de vouloir confisquer le pouvoir par une « ruse constitutionnelle ». Il fait référence à la révision de la Constitution en 2016, qui a permis à Ouattara de se présenter pour un troisième mandat controversé en 2020, en arguant qu’il s’agissait du premier mandat sous la nouvelle loi fondamentale.
Guillaume Soro a appelé à la désobéissance civile et au boycott du scrutin de 2020, qui a été marqué par une faible participation et des violences qui ont fait une centaine de morts. Il a reconnu la victoire de l’opposant Henri Konan Bédié, qui s’était proclamé président d’un « Conseil national de transition » censé remplacer Ouattara. Il a également affiché sa proximité avec l’ancien président Laurent Gbagbo, qui a été acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l’humanité commis lors de la crise post-électorale de 2010-2011, et qui a effectué son retour en Côte d’Ivoire en juin 2021.
Guillaume Soro, qui a été le chef de la rébellion qui contrôlait la moitié nord du pays dans les années 2000, et qui a soutenu militairement Ouattara contre Gbagbo en 2010-2011, a opéré un revirement politique spectaculaire. Il dit avoir pris ses distances avec Ouattara à partir de 2017, quand il a refusé de dissoudre son parti, le Rassemblement pour la Côte d’Ivoire (RACI), au profit du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), le parti au pouvoir. Il a démissionné de la présidence de l’Assemblée nationale en 2019, après avoir été écarté de la présidence du Parlement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Guillaume Soro, qui dispose d’une forte popularité et d’un réseau d’influence dans le pays, notamment au sein de l’armée et des anciens rebelles, représente un danger pour le pouvoir d’Alassane Ouattara, qui cherche à le neutraliser par tous les moyens. Mais Soro ne renonce pas à ses ambitions et se dit prêt à affronter les obstacles qui se dressent sur son chemin.
Mais Guillaume Soro n’est-il pas l’ombre de lui-même, après avoir été marginalisé et discrédité par le pouvoir en place ? Sa stratégie de communication sur les réseaux sociaux et les plateformes cryptées lui permet-elle de maintenir le lien avec ses partisans et de mobiliser l’opinion publique ? Sa candidature à la présidentielle de 2025 est-elle crédible et recevable, alors qu’il est frappé par plusieurs condamnations ? Son retour en Côte d’Ivoire ne risque-t-il pas de provoquer de nouvelles tensions et violences dans un pays déjà fragilisé par la crise politique ? Autant de questions qui se posent sur l’avenir de Guillaume Soro, qui se veut le porte-parole de la jeunesse ivoirienne, qui représente plus de la moitié de la population, et qui aspire à un changement de génération à la tête de l’Etat.
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