Par Bakary Cissé | lementor.net
L’élection présidentielle d’octobre 2025 a marqué un tournant délicat pour le Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo. Écarté du scrutin à la suite de la confirmation de son inéligibilité par le Conseil constitutionnel, l’ancien chef de l’État a vu son parti s’engager dans une ligne de boycott, sans toutefois en revendiquer ouvertement la paternité. Une position à la fois prudente et calculée, destinée à afficher la cohérence du parti tout en évitant une confrontation directe avec les institutions.
Cette posture, que certains observateurs qualifient de « boycott silencieux », a permis au PPA-CI de maintenir une unité de façade, mais elle a aussi révélé les limites d’une stratégie fondée sur la symbolique plutôt que sur l’action. En s’abstenant de participer au scrutin présidentiel, le parti a cherché à délégitimer une élection jugée verrouillée, tout en se réservant la possibilité d’un retour progressif dans le jeu politique.
Laurent Gbagbo, conscient du poids de son inéligibilité et du risque de confrontation frontale avec le pouvoir, a opté pour une ligne d’attente : préserver le parti, maintenir la mobilisation minimale et éviter les débordements violents. Cette stratégie, inspirée des leçons du passé, notamment de la « désobéissance civile » de 2020, visait à ne pas entraîner le pays dans une nouvelle spirale d’instabilité.
Mais cette retenue, perçue par certains militants comme un manque de combativité, a contribué à une forme d’essoufflement politique. Le PPA-CI a eu du mal à occuper le terrain médiatique et à entretenir l’enthousiasme populaire. Les appels sporadiques à la mobilisation n’ont pas rencontré d’écho massif, tandis que la base militante, privée d’un objectif électoral concret, s’est repliée dans l’attente d’un signal clair du leader.
Sur le plan politique, la ligne adoptée par le PPA-CI a eu pour effet de limiter les tensions avec les autorités, mais elle a aussi réduit son influence dans le débat public. Le parti a tenté de justifier son choix par une argumentation morale : refuser de cautionner un processus jugé inéquitable. Mais ce choix, en pratique, a surtout conduit à un vide d’action, laissant le champ libre au RHDP et à ses alliés pour consolider leurs positions dans l’appareil d’État et sur le terrain électoral.
Dans la perspective des législatives de décembre 2025, le PPA-CI entend corriger cette absence. Le parti, tout en restant fidèle à sa ligne critique vis-à-vis de la Commission électorale indépendante, prépare activement sa participation au scrutin parlementaire. Objectif : rétablir une présence institutionnelle et éviter la marginalisation. Cette approche traduit une forme de realpolitik assumée : reconquérir de l’influence par les urnes, même dans un cadre jugé imparfait.
Laurent Gbagbo, lui, garde une place symbolique centrale mais de plus en plus distante. À 80 ans passés, il continue d’incarner la mémoire d’une époque politique, mais son rôle s’inscrit désormais davantage dans la transmission que dans la conquête. Le PPA-CI, confronté au défi du renouvellement de ses cadres et de sa stratégie, tente de s’adapter à une Côte d’Ivoire apaisée, où la majorité de la population semble aspirer davantage à la stabilité qu’à la confrontation politique.
À l’issue de cette séquence électorale, le parti de Gbagbo se trouve à la croisée des chemins : soit il parvient à transformer son boycott en rebond tactique à travers les législatives, soit il s’installe durablement dans une posture de contestation symbolique sans véritable prise sur le réel. Une chose est certaine : l’heure n’est plus aux postures, mais à la reconquête pragmatique du terrain politique.
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