Par La Rédaction
La CEI vient de publier les statistiques définitives de la liste électorale 2025 : 8 727 431 électeurs, dont 4 508 948 hommes et 4 218 483 femmes, répartis dans 25 678 bureaux de vote à travers 11 906 lieux de vote. Des chiffres officiels, attendus avec attention à l’approche d’une élection présidentielle à forts enjeux, mais qui, à y regarder de plus près, traduisent autant une progression administrative qu’un défi démocratique majeur.
Une progression numérique, mais un rythme qui interroge
Par rapport à 2020, où la liste électorale définitive comptait 7 495 082 électeurs, l’augmentation est nette : plus de 1,2 million d’électeurs supplémentaires ont été enrôlés en cinq ans. Pourtant, cette hausse doit être relativisée. La population ivoirienne est jeune et croît rapidement : selon les projections, plus de 60% de la population a moins de 35 ans. L’augmentation du nombre d’électeurs ne semble donc pas encore à la hauteur du dynamisme démographique national.
Plus préoccupant : la croissance entre 2020 et 2023 avait été presque stagnante. En 2023, les chiffres provisoires n’affichaient qu’environ 7 503 095 électeurs, soit une progression minime de 8 000 électeurs en trois ans. Ce n’est qu’en 2024-2025 que les efforts d’extension de la base électorale se sont réellement intensifiés.
Une mobilisation encore fragile malgré les inscriptions
Les précédents cycles électoraux l’ont montré : le nombre d’électeurs inscrits ne se traduit pas systématiquement en participation effective. En 2020, malgré plus de 7 millions d’inscrits, seuls 3,2 millions d’Ivoiriens ont voté, soit un taux de participation de 53,90%. La présidentielle de 2015 n’avait fait guère mieux, avec un taux de 52,86%.
La crainte est donc réelle : sans mobilisation forte, les millions d’électeurs inscrits sur les listes risquent de rester des électeurs dormants. En l’absence d’un message politique mobilisateur, d’un débat électoral vivant et d’une opposition unie, l’abstention pourrait rester le premier “parti” du pays.
Des réclamations qui signalent une vigilance citoyenne… et des tensions persistantes
Lors de la révision de la liste électorale, la CEI a reçu 11 415 réclamations, dont 6 392 ont été acceptées pour rectification, 1 567 ont conduit à des radiations, et 3 456 à des ajouts d’électeurs. Ce volume élevé montre une certaine maturité démocratique et une attention accrue des citoyens, des partis politiques et de la société civile.
Mais il illustre aussi les tensions persistantes autour de la question de l’identification, de la nationalité, et des droits politiques. Dans un pays encore marqué par les blessures du conflit post-électoral de 2010, la liste électorale est plus qu’un fichier administratif : c’est un miroir politique et identitaire.
Le vrai défi : la conquête du terrain politique
Derrière ces chiffres, un enjeu capital se dessine : le rapport de force politique réel se jouera sur le terrain, dans la capacité des partis à mobiliser, convaincre, encadrer, rassurer et faire voter. Le RHDP semble disposer d’une avance organisationnelle, grâce à sa machine électorale bien rodée. L’opposition, encore fragmentée, est sommée de tirer les leçons de ses erreurs passées : boycotts infructueux, chaise vide, absence sur le terrain rural, discours mal articulés.
La question n’est donc pas seulement “combien d’électeurs ?”, mais surtout : qui saura leur parler ? Qui ira les chercher ? Qui leur proposera une vision ?
Un processus à surveiller jusqu’au bout
La CEI promet transparence et fiabilité. La publication de la Liste Électorale Définitive (LED) le mercredi 4 juin 2025 est une étape importante, mais ce n’est que le début. Chaque électeur peut consulter son inscription sur www.cei.ci ou via les codes *919# et #919#.
La fiabilité du scrutin dépendra non seulement de la CEI, mais aussi de la responsabilité des acteurs politiques à jouer le jeu démocratique dans toutes ses dimensions : enrôlement, participation, débat, acceptation des résultats.
Conclusion : une liste, un peuple, une exigence démocratique
Avec plus de 8,7 millions d’électeurs attendus dans les urnes, la présidentielle de 2025 s’annonce comme un tournant. Elle sera un test grandeur nature pour la démocratie ivoirienne. Les chiffres sont là. Reste à transformer les électeurs en acteurs. Car la démocratie ne se mesure pas seulement au nombre d’inscrits, mais à la qualité du choix qu’ils poseront — et à la clarté des offres qu’on leur proposera.
Leave a comment