De 1990 à 2024, la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) a accumulé une longue liste d’exactions, de crimes, et de violations flagrantes des droits de ses compatriotes. Ce mouvement, initialement né pour défendre les droits des étudiants, a rapidement dérivé vers une organisation violente et incontrôlable, semant la terreur dans les universités et au-delà. Aujourd’hui, plus de trente ans après ses débuts, la nécessité d’ouvrir des procédures judiciaires, sous la supervision d’un procureur spécial, pour juger les crimes de la Fesci est plus urgente que jamais. Cette démarche permettrait de rendre justice aux victimes, de rétablir l’ordre, et de restaurer la confiance dans les institutions éducatives et judiciaires.
La Fesci : une histoire de violence
Les archives regorgent de récits glaçants des abus perpétrés par la Fesci. Les agressions physiques, verbales, les enlèvements, les viols, les intimidations et la séquestration faisaient partie du quotidien de nombreux étudiants et même de certains membres du personnel universitaire. Malgré les nombreuses tentatives d’intervention, y compris la suggestion de nommer un procureur spécial en 2008, ces initiatives sont restées sans suite.
Les victimes de ces atrocités, souvent laissées sans recours, ont vu leur vie brisée à jamais. Des familles ont perdu des êtres chers, des femmes ont été violées et traumatisées, et des jeunes étudiants ont vu leurs rêves de réussite anéantis. Comment peut-on, aujourd’hui, fermer les yeux sur ces crimes qui, à l’époque, n’ont reçu ni justice ni condamnation ?
La justice comme outil de réconciliation
L’ouverture d’enquêtes judiciaires supervisées par un procureur spécial dédié aux crimes de la Fesci permettrait enfin aux victimes d’être entendues. L’une des justifications principales pour la création d’un tel poste est le besoin urgent et permanent de réconciliation nationale. Il est impératif que les témoignages des victimes, nombreux et accablants, soient pris en compte dans cette démarche.
Cela dit, cette initiative devrait aller au-delà de la Fesci. Le mouvement CEECI (Conférence des Élèves et Étudiants de Côte d’Ivoire), créé pour contrer l’influence de la Fesci, adopte malheureusement des méthodes similaires dans certaines parties du pays. La violence à l’école est un problème national qui doit être traité de manière globale. Il est temps de siffler la fin de la récréation. Parmi les réformes à envisager, il serait pertinent de mettre en place un conseil étudiant composé des dix meilleurs élèves ou étudiants non redoublants, afin de garantir une gestion saine et apolitique du milieu universitaire.
Pourquoi un procureur spécial plutôt qu’un tribunal spécial ?
Il est essentiel de souligner qu’il serait plus efficace de nommer un procureur spécial, et non d’ouvrir un tribunal spécial. Le tribunal spécial peut prendre une connotation plus lourde, mais le procureur spécial, lui, serait chargé de mener des enquêtes de manière accélérée, tout en rendant compte à la hiérarchie judiciaire. Ce dernier pourrait enclencher des procédures d’enquête rapide, libérant ainsi les victimes et la société de l’emprise de la violence estudiantine.
Un procureur spécial aurait donc pour mission d’enquêter non seulement sur les crimes de violence, mais aussi sur les pratiques de détournement de fonds et la corruption qui gangrènent le système syndical estudiantin. Cela permettrait de nettoyer un secteur devenu toxique et de restaurer la justice pour ceux qui ont été lésés.
Impunité ou justice ?
Pendant trop longtemps, les dirigeants de la Fesci ont agi avec une totale impunité. Ces leaders étudiants, autrefois perçus comme des défenseurs des droits, se sont rapidement transformés en criminels influents. De nombreux récits relatent que des membres influents de la Fesci ont accumulé des fortunes injustifiées en détournant des fonds et en abusant de leur pouvoir.
Les comptes bancaires gonflés de certains étudiants à hauteur de millions de francs CFA, sans explication rationnelle, montrent l’étendue de la corruption qui s’est infiltrée dans ce mouvement. Les enquêtes menées par un procureur spécial permettraient de faire la lumière sur ces pratiques, de saisir les fonds détournés et de marquer la fin de l’impunité.
Un précédent nécessaire
Il existe un précédent dans l’histoire judiciaire de la Côte d’Ivoire qui justifie la création d’une fonction de procureur spécial. Lors de la crise post-électorale de 2011, des juridictions spéciales ont été mises en place pour juger les crimes commis durant cette période troublée. Cette initiative a permis de juger non seulement les criminels de guerre, mais aussi ceux qui avaient commis des actes de violence contre la population civile.
Un procureur spécial pour traiter les crimes de la Fesci suivrait cette même logique. Il s’agirait d’un procureur capable de traiter les dossiers de manière indépendante, impartiale, et avec rigueur. Il pourrait enquêter rapidement sur les faits, auditionner les victimes et poursuivre les coupables, rétablissant ainsi l’équilibre au sein de la société ivoirienne.
Enjeux politiques et responsabilité de l’État ivoirien
Il ne faut pas oublier que certains hommes politiques pourraient être éclaboussés par ces enquêtes, notamment en raison de leur proximité avec les leaders de la Fesci ou leur rôle dans la manipulation des étudiants. Dans un contexte préélectoral, la mise en place d’un procureur spécial pourrait atténuer les ardeurs à la violence. Cependant, l’objectif doit rester de rétablir la justice.
La justice ivoirienne doit saisir cette opportunité pour non seulement corriger les erreurs du passé, mais aussi pour démontrer son engagement à lutter contre l’impunité. Les témoignages évoquent la nécessité pour la Côte d’Ivoire de permettre aux victimes de se libérer du poids du silence et de l’injustice.
Conclusion
La Fesci, autrefois figure de proue de la défense des droits étudiants, est aujourd’hui associée à des actes de violence et d’intimidation. Il est temps pour la Côte d’Ivoire de faire face à ce passé trouble et de rendre justice aux nombreuses victimes de ce mouvement. La nomination d’un procureur spécial pour enquêter sur ces crimes offrirait une chance à ces victimes de tourner la page et de retrouver une forme de paix intérieure. La justice doit prévaloir, et les crimes de la Fesci doivent enfin être jugés, afin de permettre à la Côte d’Ivoire d’avancer.
Leave a comment