Par Bakary Cissé | Lementor.net
L’opposition ivoirienne multiplie les recours et les proclamations sur la scène internationale, mais ses échos se perdent dans le vide. À l’ONU, à l’Union européenne ou devant la Cour africaine des droits de l’homme, ses démarches se soldent par des échecs répétés. Pendant ce temps, Alassane Ouattara, fort de son expérience internationale et de son image de garant de la stabilité, semble maîtriser les règles du jeu avec une aisance implacable.
Des démarches improvisées
Le premier écueil de l’opposition est son manque de rigueur stratégique. Les dossiers portés à l’international apparaissent souvent mal préparés, juridiquement fragiles et procéduralement contestables. Les institutions internationales ne se laissent pas convaincre par des indignations politiques : elles exigent des preuves solides, des argumentaires précis et une parfaite maîtrise des codes. À ce niveau, l’opposition ivoirienne paie cher son amateurisme, accumulant revers et frustrations.
Une opposition fragmentée et illisible
À cela s’ajoute une fracture profonde entre ses différentes composantes. La CAP-CI, emmenée par Simone Gbagbo et Blé Goudé, se veut conciliante avec le pouvoir, misant sur le dialogue. Le Front Commun (PPA-CI et PDCI), lui, adopte un ton plus radical, prônant la confrontation. Mais cette cacophonie brouille le message, et empêche l’opposition de parler d’une seule voix. Chaque camp revendique sa légitimité, mais aucun ne parvient à incarner une alternative consensuelle.
Le poids du passé complique encore les choses. Laurent Gbagbo demeure une figure centrale, mais son image reste marquée par la crise post-électorale de 2010 et son passage devant la CPI. Aux yeux des partenaires étrangers, ce passif fragilise la capacité de l’opposition à incarner un avenir apaisé.
Ouattara, le stratège international
Face à cette désorganisation, Alassane Ouattara avance ses pions avec méthode. Ancien cadre du FMI et ex-gouverneur de la BCEAO, il connaît parfaitement le langage des institutions internationales. Son discours de stabilité, adossé aux performances économiques de la Côte d’Ivoire et à son rôle de pilier dans une Afrique de l’Ouest secouée par les crises sahéliennes, séduit les chancelleries. Là où l’opposition paraît incertaine et divisée, Ouattara incarne la prévisibilité.
Sur le terrain de la communication, l’écart est encore plus criant. Le RHDP déploie une stratégie médiatique structurée, capable d’imposer son narratif à l’international. L’opposition, en revanche, peine à trouver des relais crédibles, que ce soit dans les grands médias ou sur les réseaux diplomatiques. Même Tidjane Thiam, avec son profil international de dirigeant économique, n’a pas encore réussi à rivaliser avec le maillage patient et efficace construit par Ouattara au fil des années.
Le poids de la géopolitique
Le contexte joue également en faveur du président sortant. Les grandes puissances privilégient la stabilité régionale à des changements incertains. Dans cette logique, l’opposition apparaît davantage comme un risque que comme une alternative. Fatigués des divisions internes, les partenaires extérieurs misent sur l’homme fort d’Abidjan, jugé fiable dans la tempête.
Conclusion : un défi de transformation
Le constat est sans appel : tant qu’elle restera divisée, mal organisée et mal préparée, l’opposition ivoirienne restera cantonnée aux marges du jeu international. Pour espérer rivaliser, elle doit impérativement se réinventer : s’unir, professionnaliser ses démarches, bâtir un récit cohérent et investir le terrain diplomatique avec discipline.
À défaut, elle restera dans l’ombre d’un Ouattara stratège, observant ses adversaires s’épuiser, et confirmant son statut de maître du jeu politique et diplomatique ivoirien.
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