Par Adama Ouédraogo Damiss
La récente rencontre à Paris entre les présidents ivoirien, Alassane Ouattara, et français, Emmanuel Macron, a, comme bien souvent, déclenché une cascade d’interprétations hasardeuses, d’extrapolations fantaisistes et de commentaires biaisés. Le simple fait que deux chefs d’État, unis par une histoire commune, des intérêts stratégiques convergents et une coopération de longue date, se retrouvent à quelques mois d’une élection présidentielle majeure en Côte d’Ivoire, a suffi à nourrir les rumeurs les plus infondées.
Certains vont jusqu’à suggérer que le président ivoirien aurait effectué ce déplacement pour solliciter des « instructions » ou obtenir un hypothétique « feu vert » de la part de son homologue français. Une lecture caricaturale, révélatrice non de la réalité diplomatique, mais des obsessions idéologiques de ceux qui la propagent.
Pourquoi, en 2025, la simple image de deux chefs d’État échangeant dans un cadre bilatéral continue-t-elle de raviver le spectre du néocolonialisme ? Pourquoi, lorsqu’un dirigeant africain rencontre un président occidental, en particulier français, cela déclenche-t-il un torrent de soupçons, alors que ces mêmes rencontres avec Vladimir Poutine ou Xi Jinping sont saluées comme des preuves de souveraineté affirmée ?
Il faut le dire sans détour : seul l’espace francophone semble encore prisonnier d’un passé colonial mal digéré, au point de voir, dans chaque geste diplomatique, la main invisible de l’ancien maître. Ce prisme déformant empêche une lecture mature, apaisée et souveraine des dynamiques internationales contemporaines.
Prenons l’exemple de la Chine. Ce géant asiatique a subi les affres de l’occupation japonaise, connu l’humiliation des concessions impériales, mais a su transcender ses blessures historiques. Aujourd’hui, Pékin parle au monde sans complexe ni posture victimaire. Les Chinois n’enracinent pas leur place dans le concert des nations dans un éternel ressassement. Ils avancent. Ils bâtissent. Ils regardent devant eux. À quand cette posture de dignité offensive pour l’Afrique francophone ?
La récurrence des attaques contre le Président Ouattara ne relève pas seulement d’un malaise postcolonial : elle trahit une volonté politique assumée de fragiliser un homme d’État. Derrière les critiques apparemment spontanées se dessine une campagne méthodique de délégitimation, orchestrée à la fois par une opposition protéiforme et des courants « panafricanistes » autoproclamés, souvent plus agitateurs que visionnaires.
Sur les réseaux sociaux comme dans certaines tribunes, l’acharnement frise parfois l’indécence. Certes, la critique est l’essence même de la vie démocratique. Mais lorsque celle-ci se mue en croisade personnelle, elle perd sa légitimité et devient une entreprise de démolition politique.
On se souvient encore des commentaires acides qui ont fleuri lorsque le Président Alassane Ouattara n’avait pas été convié parmi les cinq chefs d’État africains reçus par Donald Trump à la Maison Blanche. Certains y virent un camouflet, d’autres une sanction. À chaque absence, la rumeur s’emballe ; à chaque silence, le fantasme prospère.
C’est peut-être là, paradoxalement, une chance. Car Dieu lui-même, diront certains, aura protégé le Président ivoirien de cette rencontre. S’il y avait pris part, la photo des cinq chefs d’État posant dans le Bureau ovale aurait offert un prétexte rêvé à tous ses détracteurs pour relancer polémiques et insinuations. Les francs-tireurs de la critique y auraient trouvé un gain à moudre, nourrissant à nouveau la machine à soupçons.
Et pourtant, ce traitement particulier dont le Président Alassane Ouattara fait l’objet n’est révélateur que d’une chose : sa stature dérange.
Car il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître : Alassane Ouattara occupe une place singulière sur la scène africaine. Son parcours exceptionnel, son ancrage dans les cercles décisionnels internationaux, sa fine connaissance des enjeux économiques et sa constance politique font de lui une figure à part. Il incarne une certaine idée de l’État, de la rigueur, de la continuité.
Il dérange, non pas par ses faiblesses, mais par sa force. Il déplaît parce qu’il réussit là où d’autres échouent : tenir bon, s’imposer sans éclat tapageur mais avec une autorité tranquille. Il irrite parce qu’il ne cède ni aux sirènes populistes, ni à l’euphorie médiatique.
Preuve en est : le sempiternel retour de la question de sa nationalité. Quinze ans après son accession à la magistrature suprême, certains continuent, avec une régularité mécanique, de ressortir l’argument fallacieux de ses supposées origines « voltaiques ». Ce refrain identitaire, usé jusqu’à la corde, n’a qu’un but : jeter le doute, diviser l’opinion, fracturer le corps social.
Il est proprement consternant qu’en 2025, dans un pays qui aspire à la modernité et à la paix, on en soit encore à débattre de la légitimité d’un homme que le suffrage universel a porté au pouvoir à plusieurs reprises.
Que l’on conteste certaines de ses décisions politiques est légitime. Que l’on débatte de ses orientations économiques ou de son style de gouvernance, cela relève du jeu démocratique. Mais raviver la question de ses origines, après tant d’années au sommet de l’État, relève de la malhonnêteté intellectuelle et de la manipulation politicienne. C’est aussi, en creux, un aveu de faiblesse de la part de ses détracteurs.
Car pendant que d’autres s’agitent, spéculent ou diffament, lui gouverne. Il trace sa route, imperturbable. Il avance, sans se laisser distraire par le bruit ambiant. Il incarne, avec une rigueur silencieuse, cette forme rare de leadership : celui qui préfère l’action à la réaction, le devoir au vacarme.
C’est peut-être là le trait le plus saillant de sa posture actuelle : le silence du devoir face au tumulte des passions. Il ne répond pas aux polémiques. Il ne s’abaisse pas aux querelles d’ego. Il reste droit, concentré sur l’essentiel : servir.
Dans une époque où l’outrance tient souvent lieu d’opinion, où l’émotion supplante la réflexion, et où la virulence est parfois érigée en vertu politique, Alassane Ouattara rappelle que l’État, ce n’est ni la fureur, ni le clinquant. C’est la maîtrise. La constance. La fidélité à une vision.
Qu’on l’apprécie ou non, force est de constater que le Président Ouattara appartient à cette catégorie d’hommes d’État que les vents contraires révèlent plus qu’ils n’ébranlent. Et si l’Histoire a parfois la mémoire bruyante, elle sait aussi, à l’heure du jugement, distinguer ceux qui ont su rester debout lorsque soufflait la tempête.
Alassane Ouattara est de ceux-là.
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