Par la Rédaction | lementor.net
Les résultats officiels du scrutin présidentiel du 25 octobre 2025, publiés par la Commission Électorale Indépendante (CEI), confirment une victoire nette du candidat du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), Alassane Ouattara, qui obtient 89,77 % des suffrages exprimés, loin devant ses poursuivants Simone Ehivet Gbagbo (PPA-CI, 2,45 %), Don Mello Ahoua Jacob (MGC, 2,42 %) et Jean-Louis Billon (CODE, 1,60 %). Cette victoire écrasante consacre la domination institutionnelle du RHDP, mais révèle aussi, à la lumière des données statistiques régionales, une fracture territoriale persistante et une baisse notable de la participation, symptômes d’un système électoral en quête de légitimité.
Un taux de participation contrasté : 50,1 % au plan national
Avec un taux national de 50,10 %, la participation recule légèrement par rapport à la présidentielle de 2020 (53,9 %). Cette moyenne cache toutefois de fortes disparités : les régions du Nord, bastions historiques du RHDP, enregistrent des taux supérieurs à 90 % (Kabadougou 97,6 %, Bagoué 95,4 %, Poro 93,4 %, Tchologo 94,2 %), tandis que les régions du Centre et du Sud, où l’opposition est plus implantée, connaissent des affluences beaucoup plus faibles (Goh 22,4 %, Iffou 29,0 %, Marahoué 35,6 %).
Les districts d’Abidjan et de Yamoussoukro, considérés comme baromètres politiques du pays, affichent respectivement 39,3 % et 42,7 % de participation. À Abidjan, les communes de Yopougon (31,2 %) et de Cocody (19,2 %) enregistrent des taux historiquement bas, illustrant une désaffection urbaine et une abstention politique significative parmi les jeunes et les classes moyennes.
Une carte électorale verrouillée : le Nord et le Centre en bloc derrière Ouattara
Sur les 31 régions administratives, le RHDP arrive en tête dans chacune d’elles, souvent avec des marges écrasantes. Dans le Nord, les résultats atteignent des niveaux quasi plébiscitaires :
Bagoué : 95,48 % pour le RHDP
Boundiali : 96,6 %
Tengréla : 94,3 %
Poro (Korhogo) : 92,8 %
Worodougou : 94,0 %
Ces chiffres confirment la solidité du socle électoral septentrional du parti au pouvoir, héritée de l’ère Ouattara mais désormais consolidée par le quadrillage administratif et la fidélisation des élites régionales.
Dans le Centre (Gbêkê, Bélier, Iffou, Moronou), le RHDP résiste mieux que prévu, avec des scores oscillant entre 60 et 75 %, malgré une tradition d’opposition plus marquée. En revanche, dans le Sud forestier et les zones historiquement pro-Gbagbo (Gôh, Cavally, Guémon), le parti présidentiel réalise des percées notables :
Gagnoa : 35 853 voix sur 38 939 exprimés (92 %) ;
Guiglo : 15 333 voix sur 17 458 (87 %) ;
Bloléquin : 16 363 voix sur 18 207 (89 %).
Cette homogénéisation électorale traduit à la fois la désorganisation du PPA-CI, la faiblesse de sa mobilisation locale et la difficulté des oppositions à s’inscrire dans un cadre électoral jugé inéquitable.
Le poids de l’abstention et la recomposition silencieuse de l’électorat
L’un des enseignements majeurs du scrutin réside dans l’abstention. Dans les grandes zones urbaines — Abidjan, Bouaké, San Pedro, Daloa —, la participation moyenne ne dépasse pas 40 %. Ce désintérêt massif traduit un épuisement démocratique, nourri par la conviction d’une élection jouée d’avance. Les bastions de l’opposition, privés de candidats emblématiques, se sont repliés dans une forme de boycott passif, que les partis n’ont pas su transformer en mouvement structuré.
À Bouaké, par exemple, sur plus de 319 000 inscrits, seuls 155 000 ont voté (48,2 %), et le RHDP y recueille 85 % des suffrages exprimés. À Yopougon, la plus grande circonscription du pays, la participation tombe à 31,1 % : un signal fort d’une démobilisation citoyenne dans les zones populaires autrefois politisées.
Simone Gbagbo, Jean-Louis Billon et Don Mello : une opposition éclatée
La dispersion des voix de l’opposition a renforcé l’avantage du RHDP. Simone Ehivet Gbagbo, unique figure liée à l’ancien FPI, n’obtient que 2,45 % des voix au niveau national, concentrées dans le Gôh et le Cavally, où elle recueille localement entre 5 et 10 %. Jean-Louis Billon, porteur du mouvement CODE (Coalition Démocratique et Écologique) et héritier politique du courant centriste du PDCI, plafonne à 1,6 %, avec une présence significative dans les régions du Bélier, du Hambol et du Gontougo.
Don Mello Ahoua Jacob, pour le mouvement MGC, réalise 2,42 %, avec une implantation remarquée dans les zones de l’Est (Indénié-Djuablin, Gontougo), où il profite d’une base militante technique et syndicale. Ces résultats confirment que l’opposition reste fragmentée, sans leadership unificateur depuis le retrait forcé de Laurent Gbagbo et la marginalisation de Tidiane Thiam.
Un plébiscite arithmétique, mais pas politique
Si le RHDP revendique un score de près de 90 %, cette domination électorale ne se traduit pas mécaniquement en adhésion politique. L’analyse des données régionales révèle que le parti au pouvoir a progressé surtout là où la participation est la plus forte — c’est-à-dire dans les zones sous contrôle institutionnel —, alors que dans les bastions urbains et mixtes, l’abstention traduit une distance croissante entre l’État et la société civile urbaine.
La victoire d’Alassane Ouattara consacre la continuité d’un régime stable, mais elle souligne aussi l’urgence d’un renouvellement du dialogue politique, en vue d’éviter que la compétition électorale ne se transforme durablement en simple formalité institutionnelle.
Vers les législatives de décembre : l’enjeu de la représentativité
Les législatives de décembre 2025 s’annoncent comme un nouveau test pour l’opposition, désormais confrontée à la nécessité d’exister dans les urnes après avoir boudé la présidentielle. Le RHDP, fort de son maillage territorial et de ses scores régionaux homogènes, aborde cette échéance en position de force. Mais son principal défi sera d’obtenir une participation citoyenne plus large, condition indispensable pour légitimer sa domination politique.
Le scrutin du 25 octobre, en chiffres et en nuances, révèle donc une Côte d’Ivoire politiquement stabilisée, mais démocratiquement fragile — un pays où le pouvoir gagne haut la main, mais dans un silence électoral de plus en plus assourdissant.
                                                                        
                                                                        
                            
                            
                            
                            
                            
                                        
                                        
				            
				            
 
			        
 
			        
 
			        
 
			        
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