Par MK
Il est des erreurs politiques qui ne s’effacent ni par les cris ni par les lamentations. Des fautes historiques que ni le vacarme des casseroles, ni les imprécations contre la communauté internationale ne sauraient absoudre. Le quatrième mandat du Président Alassane Ouattara, tant décrié, tant vilipendé, n’est, à bien y regarder, que le fruit mûr tombé de l’arbre de l’irresponsabilité — cet arbre que l’opposition ivoirienne a elle-même planté, arrosé, puis abandonné en pleine croissance.
Qu’on se le dise sans faux-fuyant : si Ouattara règne aujourd’hui avec l’assurance tranquille de ceux qui ne craignent plus les alternances, c’est que l’opposition, et tout particulièrement le FPI de Laurent Gbagbo — devenu PPA-CI —, a déserté les combats essentiels. Abstinere suffragium (s’abstenir de voter), c’est parfois s’abstenir d’exister. En refusant de participer aux législatives de 2011, en récidivant lors du référendum constitutionnel de 2016, cette opposition s’est elle-même effacée du tableau national. Elle a offert au pouvoir un champ de manœuvre sans contrepoids, une hémicycle sans contradiction, un paysage sans relief.
La nouvelle Constitution, adoptée sans heurts, sans véritables débats parlementaires, a redessiné les règles du jeu. Elle a remis les compteurs à zéro. Et désormais, l’actuel chef de l’État est parfaitement fondé, en droit, à briguer un nouveau mandat. Fiat voluntas tua, diront les constitutionnalistes rigoureux. Mais ce destin politique n’est pas une fatalité : il est le produit d’un vide — vide politique, vide stratégique, vide moral.
Alassane Ouattara lui-même, a reconnu que le boycott du RDR aux législatives de 2000 fut une faute. Mais alors que le pouvoir a appris de ses erreurs, l’opposition, elle, s’y est accrochée comme à un totem. Elle a préféré l’abstention au débat, le cri à la construction, le symbole au résultat. Au lieu de se battre pour chaque siège, chaque vote, chaque voix, elle a abandonné le terrain, croyant sans doute qu’un jour, l’histoire lui donnerait raison par simple pitié.
Mais la politique n’a pas de cœur, elle n’a que des règles. Et celui qui quitte le jeu n’a plus son mot à dire sur les règles. « Celui qui quitte la danse au milieu du bal ne doit pas se plaindre de la musique qui continue », dit un proverbe baoulé. Ainsi va la Côte d’Ivoire, dans une étrange valse où les pas hésitants de l’opposition ont permis au pouvoir de mener la chorégraphie en solo.
Alors oui, il y aura une élection. Et oui, Alassane Ouattara sera candidat. Mais qu’on n’aille pas dire que c’est une confiscation de la démocratie. Ce n’est pas un coup de force : c’est le triomphe d’une stratégie, celle de la présence constante, de la conquête méthodique, face au vide laissé par une opposition qui croyait que bouder, c’était résister.
En politique, comme dans la vie, naturam expellas furca, tamen usque recurret — « Chassez le naturel, il revient au galop ». À force de fuir les institutions, l’opposition a fui son rôle. Et pendant qu’elle fuyait, Ouattara avançait.
La morale de cette histoire ? Elle n’est pas à chercher dans les urnes, mais dans le miroir.
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