Par AN | Lementor.net
Au petit matin du samedi 15 novembre, les députés béninois ont adopté une révision constitutionnelle majeure, bien plus large que le simple projet de création d’un Sénat initialement annoncé. Réunis pour modifier la Constitution de 2019, les parlementaires ont finalement validé un changement profond : le passage de tous les mandats électifs président, députés et maires de cinq à sept ans, renouvelables.
Le vote, scellé par 90 voix contre 19 sans aucune abstention, intervient quelques heures seulement après la confirmation, par la Cour constitutionnelle, du duel qui marquera la présidentielle d’avril 2026. Romuald Wadagni, dauphin désigné de Patrice Talon, affrontera Paul Hounkpé, figure de l’opposition centriste déjà candidate en 2021. La candidature de Renaud Agbodjo, porté par Les Démocrates de Thomas Boni Yayi, avait été rejetée faute de parrainages suffisants.
La limitation à deux mandats préservée mais un paysage politique bousculé
L’allongement du mandat ne remet pas en cause la règle constitutionnelle qui limite un président à deux mandats “au cours de sa vie”. En revanche, d’autres dispositions votées simultanément risquent de modifier en profondeur l’équilibre politique.
Les députés ont ainsi introduit une clause prévoyant qu’un élu qui quitte le parti sous lequel il a été élu perd automatiquement son siège. Une mesure votée quelques jours après la défection de six députés des Démocrates, désormais indépendants. Ces départs, en faisant perdre au parti de Boni Yayi sa minorité de blocage, ont paradoxalement ouvert la voie à l’adoption de la réforme constitutionnelle.
Un futur Sénat au rôle stratégique
La réforme consacre également la mise en place d’un Sénat composé de 25 à 30 membres, mêlant sénateurs nommés et sénateurs de droit, parmi lesquels d’anciens présidents ou de hautes personnalités militaires. Patrice Talon et Thomas Boni Yayi pourraient donc siéger ensemble dans cette nouvelle chambre, chargée de réguler la vie politique et de veiller aux grands équilibres nationaux.
Le Sénat aura notamment la possibilité d’exiger une seconde lecture de lois votées par l’Assemblée, à l’exception des textes budgétaires. La Cour constitutionnelle doit encore examiner la conformité de l’ensemble avant promulgation.
Une rupture avec trente ans de stabilité institutionnelle
Depuis l’avènement du renouveau démocratique en 1990, le Bénin s’était illustré comme un modèle régional, grâce à un cadre institutionnel stable et un mandat de cinq ans jugé équilibré. Cette durée avait permis plus de trois décennies sans crise politique majeure, offrant aux gouvernements le temps de conduire leurs réformes tout en conservant une respiration démocratique régulière.
L’adoption du septennat marque donc une rupture notable. Pour ses promoteurs, cette réforme permettra d’« harmoniser » les cycles électoraux et d’assurer une meilleure continuité de l’action publique. Une justification qui peine toutefois à dissiper les doutes.
Un argumentaire officiel qui peine à convaincre
De nombreux citoyens et analystes s’interrogent : la durée du mandat était-elle vraiment un obstacle ?
Pour beaucoup, les défis du Bénin tiennent plutôt à la qualité des pratiques politiques transparence, inclusion, responsabilité qu’à la longueur des mandats. Dans un contexte de tensions politiques récurrentes, certains redoutent une consolidation du pouvoir et une restriction progressive des contre-pouvoirs.
Un choix à rebours des évolutions internationales
Sur la scène mondiale, la tendance est plutôt à la réduction des mandats. La France, le Sénégal, le Burkina Faso ou encore la Guinée ont opté pour un quinquennat après avoir testé des formats plus longs, jugeant ceux-ci peu efficaces pour renforcer la stabilité institutionnelle ou améliorer la gouvernance.
Dans de nombreux pays, raccourcir le mandat avait été vu comme un moyen de maintenir une connexion plus régulière entre gouvernants et gouvernés, dans un monde où les attentes sociales évoluent rapidement.
Dans ce contexte, la question demeure :
Pourquoi le Bénin adopte-t-il aujourd’hui un modèle que d’autres ont abandonné ?
Et surtout, quels bénéfices concrets le pays peut-il espérer de ce retour au septennat ?
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