Par MK | Lementoir.net
Dans nos sociétés saturées de talk-shows, l’universitaire est devenu un visage familier des plateaux télé. À première vue, on s’en réjouirait : voilà la science sortie de ses amphithéâtres pour irriguer le débat public. Mais trop souvent, le prestige académique se trouve travesti en gilet de chroniqueur. Et les propos—parfois approximatifs, parfois démagogiques—salissent autant l’image de l’université qu’ils nourrissent la défiance de l’opinion.
Il faut dire les choses : tout professeur invité sur un plateau n’est pas Montesquieu, et tout micro ne se transforme pas en chaire. Le spectacle médiatique exige de la vitesse, du tranchant, parfois du scandale. Mais l’universitaire n’est pas payé pour séduire l’audimat : il est dépositaire d’un capital symbolique forgé dans la rigueur. Lorsqu’il l’emploie sans précaution, c’est l’institution tout entière qui se trouve compromise.
D’où l’urgence d’une régulation. Non pour museler, mais pour responsabiliser. L’histoire l’enseigne : l’université médiévale encadrait déjà la parole de ses maîtres, contraints par serment à respecter la doctrine ; au XXᵉ siècle, les dérives des « intellectuels partisans » dénoncées par Julien Benda rappelaient le prix à payer quand les clercs cèdent à la passion. À l’inverse, l’affaire Dreyfus montre combien la prise de parole courageuse de savants put sauver la vérité. Le défi n’est pas de restreindre, mais d’équilibrer.
Que faire alors ? Établir des chartes éthiques claires : distinguer la parole personnelle—libre, mais accompagnée d’un disclaimer—de celle prononcée au nom de l’institution, qui doit, elle, être autorisée. Imposer la transparence des rémunérations perçues dans ces chroniques, car l’argent médiatique ne saurait demeurer une zone grise. Exiger, enfin, une rectification publique en cas d’erreur manifeste : responsabilité oblige.
On objectera que cela frôle la censure. Ce serait vrai si l’on contrôlait le contenu ; or il s’agit de contrôler l’usage du titre, la loyauté envers l’institution, et la transparence des gains. La liberté académique n’est pas menacée ; elle est au contraire protégée par des règles qui empêchent sa dilution dans la confusion médiatique.
Une démocratie forte n’a pas besoin de savants muets. Elle a besoin de voix libres, mais responsables. L’universitaire qui prend la parole sur un plateau n’est pas seulement un citoyen : il est aussi l’ambassadeur visible de la République des savoirs. Il est temps qu’il assume pleinement cette charge.
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