Le 19 novembre 1968 marque un tournant tragique dans l’histoire politique du Mali. Ce jour-là, les militaires renversaient Modibo Keïta, le premier président de la République, brisant ainsi l’élan prometteur d’un pays fraîchement indépendant, qui aspirait à construire son avenir sur des bases souveraines et socialistes. Ce coup d’État inaugure une nouvelle ère : celle de l’ingérence militaire dans la sphère politique. Dès lors, les hommes en uniforme sont entrés dans l’arène du pouvoir, et, malheureusement, ils n’en sont jamais véritablement sortis.
Aujourd’hui, 19 novembre 2024, le Mali se trouve toujours sous la coupe d’un régime militaire. Malgré cinq coups d’État depuis l’indépendance, les discours restent inchangés : on veut nous faire croire que les civils, et eux seuls, sont responsables de la situation chaotique que connaît le pays. Cette rhétorique, qui vise à dédouaner les militaires de toute responsabilité, masque une vérité douloureuse : l’instabilité politique et l’absence de gouvernance durable sont devenues des marques de fabrique du Mali post-colonial.
Depuis 1960, seuls les deux mandats d’Alpha Oumar Konaré, premier président démocratiquement élu, ont été menés à terme entre 1992 et 2002. Tous les autres chefs d’État, civils ou militaires, ont vu leur parcours interrompu par des coups d’État. Cette singularité historique en dit long sur la difficulté du Mali à établir un système institutionnel stable et résilient, capable de répondre aux aspirations de son peuple.
En 1968, les militaires ont justifié leur intervention en accusant Modibo Keïta d’avoir plongé le pays dans une crise économique et politique. Aujourd’hui, en 2024, les discours sont étrangement similaires : on pointe du doigt les « mauvais choix » des dirigeants civils, sans pour autant proposer des solutions viables et durables. Pendant ce temps, les véritables défis du pays insécurité, pauvreté, corruption, effondrement des services publics et délestage restent sans réponse.
Le 19 novembre 1968 a cassé un élan, celui d’un Mali indépendant et ambitieux. Et depuis, l’histoire semble se répéter en boucle, enfermée dans un cycle de prises de pouvoir par la force, d’espoirs déçus et de promesses non tenues. Pour briser ce cercle vicieux, le Mali doit impérativement réfléchir à une véritable refondation de son système politique, loin des rivalités entre civils et militaires. Ce n’est qu’en tirant des leçons de ces 56 années d’instabilité que le pays pourra enfin tracer une voie nouvelle, portée par des institutions solides et une réelle volonté de servir l’intérêt général.
Le Mali mérite mieux.
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