Côte d’Ivoire 2015 – ADO Sera Le Candidat Du PDCI. Bédié L’a Dit. Mais Personne Ne L’a Compris

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Incroyable ! Il était pourtant évident que la pierre d’angle des tensions entre Henri Konan Bédié, président sortant du PDCI, et ceux qui convoitaient son job, Kouadio Konan Bertin et Alphonse Djédjé Mady, était la question de la présence d’un candidat PDCI à la prochaine présidentielle, en 2015. On savait que Bédié voulait soutenir Alassane D. Ouattara, président actuellement en exercice et qui a, d’ores et déjà, annoncé qu’il serait candidat à un second mandat.

La motivation de Bédié est simple : à son âge (79 ans depuis le 5 mai 2013), il ne peut plus briguer un mandat présidentiel ; mais il ne veut pas non plus que, de son vivant, un autre PDCI puisse le faire. Le traumatisme de 1999 – il a été le premier président de Côte d’Ivoire viré du pouvoir par un coup d’Etat militaire et n’a toujours pas digéré cette éviction qui a jeté la Côte d’Ivoire dans le gouffre qu’il avait patiemment creusé avec le concours du PDCI – n’est pas encore guéri. Loin de là. Mais pour que Bédié puisse faire d’ADO le candidat soutenu par le PDCI en 2015 encore fallait-il qu’il fasse barrage à ceux qui, eux, voulaient un candidat PDCI stricto sensu ; et, autant que faire se peut, qu’ils soient ce candidat.

Dès lors, le problème était simple : il fallait que Bédié conserve la présidence du PDCI et, pour cela, faire annuler par le congrès l’article 35 du règlement intérieur fixant à 75 ans l’âge limite pour diriger le parti. Bédié y est parvenu sans difficulté. Plus d’âge limite et, du même coup, un nouveau tour de manège pour le barbon « houphouëtiste ». Plus de 93 % des suffrages se sont portés sur sa candidature. A 79 ans, le voilà président pour cinq ans. Et chargé de lire le discours de clôture du XIIème congrès du PDCI. C’est là que se déroule l’incroyable. Dans ce bref message, Bédié ne dit rien de la situation de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens. Il s’en fout. Quand au parti, ses « résultats », dit-il, sont « excellents ». Battu dès le premier tour à la présidentielle 2010, n’ayant pas reconquis la présidence de l’Assemblée nationale et ayant perdu le poste de premier ministre, laminé au sein du gouvernement, marginalisé partout ailleurs, il est quelque peu abusif, sans doute, de trouver « d’excellents résultats » pour le PDCI dans ce bilan. Mais, bon, je l’ai dis, ce n’est pas le souci de Bédié pour qui tout va bien. Dans son discours de clôture, il ne dira donc rien de significatif, tout au moins politiquement.

Il dira cependant que l’objectif du PDCI est « la reconquête et l’exercice du pouvoir d’Etat ». Ce qui commencera à faire frétiller d’aise les commentateurs. Il ajoutera : « En tant que parti politique, nous ne pouvons pas ne pas avoir de candidat ». Alors, là, c’est l’extase. Et tous les commentateurs de se jeter sur les tablettes et autres TIC pour, du tac au tac, transmettre la nouvelle : il y aura un candidat PDCI. Bédié ajoute qu’une convention sera organisée pour « examiner exclusivement cette question ». Hier (lundi 7 octobre 2013), Rouamba Ahl-Assane, dans sa chronique de L’Observateur Paalga, écrivait donc que le PDCI a décidé « de présenter un candidat à la présidentielle contre ADO alors que, on le sait, Bédié n’y était pas enclin jusque là ». Et il pose la question : « Des concessions, compromis et consensus du congrès y sont-ils pour quelque chose ? ». Ce matin (mardi 8 octobre 2013), Sidwaya enfonce le clou : « En clair, des primaires seront organisées pour déterminer celui qui portera les couleurs du parti face à Alassane Ouattara ». Tout faux… !

La presse burkinabè, publique et privée, n’est pas la seule à avoir eu cette lecture. C’est une analyse générale. Sauf que Bédié n’a jamais dit que le PDCI présenterait un candidat PDCI face à ADO. Il a seulement précisé que l’objectif du PDCI était « la reconquête et l’exercice du pouvoir d’Etat » et « qu’en tant que parti nous ne pouvons pas ne pas avoir de candidat ». Rien d’autre. Or, tous les mots ont de l’importance et la construction des phrases également. Bédié n’a pas dit : « Le PDCI aura un candidat issu de ses rangs lors de la prochaine présidentielle et une convention décidera ultérieurement qui sera ce candidat ». Il évoque simplement le fait que le PDCI ne peut pas ne pas avoir « de » candidat. J’insiste sur le « de » qui s’oppose à « son propre ».

Rien, dans les mots de Bédié, n’empêche le PDCI de soutenir la candidature de… Ouattara. Qui serait le candidat « du » PDCI et non pas le candidat PDCI (sauf à penser que d’ici là le PDCI réintègre le RDR issu de ses rangs). Autrement dit : Bédié n’a pas changé de ligne. On ne voit pas pourquoi, d’ailleurs, il l’aurait fait. Il n’y a pas d’intérêt pour lui à voir émerger un leader PDCI autre que lui-même. Et sa position au sein du PDCI est tellement hégémonique qu’il n’y a aucune nécessité de négocier quoi que ce soit.

On notera d’ailleurs que dans son discours de clôture il remercie chaleureusement le président de la République (sans pour autant le nommer) « pour nous avoir accompagné par une présence remarquable de cadres du RDR parmi ses plus proches compagnons ». On notera aussi qu’il a souligné, en début d’intervention, qu’il n’y avait pas de « craintes de risques d’implosion du parti ». Or, le RDR résulte d’une implosion du PDCI au mitan de la décennie 1990. On peut donc penser que la carte que joue Bédié est celle non plus uniquement du « rassemblement des houphouëtistes » mais de la recomposition d’un PDCI-RDA originel. Il va même plus loin puisqu’il soutient le projet de « Bamako bis » et veut « revitaliser notre fédération panafricaine » (sans que l’on sache ce que Bédié entend faire renaître sous cette appellation qui fleure bon le « RDA interterritorial » des années 1950 quand le RDA était apparenté au PCF).

Dans deux mois, le 7 décembre 2013, il y aura vingt ans que le « Vieux » est mort ; c’est dire que son esprit est particulièrement présent en ce moment, même si son évocation est aussi celle, nécessairement, de la guerre des frères ennemis : Bédié/ADO. Le RDA, dont le PDCI est la section ivoirienne, est né, quant à lui, à Bamako le 18 octobre 1946 ; pas loin de 70 ans ! On peut donc penser que les grandes manœuvres sont engagées avec Bédié dans le rôle de « Houphouët bis ». Mais pas nécessairement celles auxquelles on pense.

Le XIIème congrès du PDCI aura finalement décidé qu’il était urgent de décider de ne rien décider. Ce qui, du côté de la lagune Ebrié signifie qu’il ne faut éviter « d’injurier l’avenir ». Le diagnostic est simple : Ouattara n’est pas un politique ; autant dire que le RDR n’est pas sa préoccupation. Il est focalisé sur l’idée que la croissance « se mange » ; enfin, plus exactement, que sa réussite économique le dispensera de descendre dans cette arène politique où l’ambiance est, plus que jamais, « délétère ». Un PDCI-RDA recomposé qui intégrerait le RDR ne serait sans doute pas pour lui déplaire. L’économique pour lui ; le politique pour Bédié. C’était finalement le duo que Félix Houphouët-Boigny (eh oui, encore lui !) avait imaginé au début de la décennie 1990.

Bédié, au terme du congrès, a d’ores et déjà recomposé le PDCI. Le secrétariat général (le pôle d’ancrage de Djédjé Mady) est supprimé. Il est remplacé par un secrétariat exécutif de vingt membres qui doit « aider le président du parti à gérer notre famille politique ». Le secrétariat général était une structure autonome qui tenait sa légitimité du congrès. Le secrétariat exécutif est sous la tutelle de Bédié. Qui l’a confié à un ex-cardiologue du « Vieux », Maurice Kacou Guikahué, ministre de la santé au temps de Bédié et bête noire de Djédjé Mady. Guikahué, originaire de Gagnoa, est le numéro deux du PDCI et son « homme fort agissant par délégation et sous les ordres du président du parti ».

Autrement dit, Bédié va pouvoir aller se recoucher. Par ailleurs, la décentralisation du parti est organisée dans le cadre du Grand conseil régional tandis que la formation des « sachants » (selon l’expression de Bédié) sera assurée, désormais, dans le cadre d’un Institut d’études politiques du parti à Yamoussoukro. Tout cela pour ADO 2015 ? C’est effectivement ce que je pense aujourd’hui.

 

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