Entre Arrogance Des Bourreaux Et Colère Des Victimes

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Le ton de la libération des détenus politiques et du retour d’exil des pro-Gbagbo a été véritablement donné par le gouvernement ivoirien, le 05 août 2013. C’est à cette date que sont sortis du bagne, Pascal Affi N’guessan et les membres de la direction du FPI. Un geste de réconciliation parmi tant d’autres, depuis la prise du pouvoir d’Etat par Alassane Ouattara. Les retours d’exil des caciques de la refondation se succèdent chaque jour. Si certains parmi eux ont choisi de retrouver la terre natale en fanfare, d’autres le font discrètement. Des situations qui ne gagnent pas l’assentiment des victimes de la machine répressive du FPI, d’octobre 2000 à avril 2011.Justice !, ne cessent-elles de clamer. Surtout que Pascal Affi N’guessan a repris le chemin de la provocation. Des réactions qui se présentent comme un dilemme pour le gouvernement et un couac pour la CDVR, dont l’existence aujourd’hui est fortement remise en cause.

C’est par grandes vagues successives que les prisonniers pro-Gbagbo sont libérés, quand les exilés du même clan rentrent en Côte d’Ivoire, après plus de deux ans à l’étranger. Le grand vent de la réconciliation qui souffle sur la Côte d’Ivoire a connu une accélération depuis le 5 août2013, lorsque Pascal Affi N’guessan et ses camardes ont commencé à humer l’air frais de la liberté, après plus de deux ans passés dans des geôles du Nord. Parce que tous, étaient accusés de divers crimes commis sous la refondation. Une procédure qui n’est pas du goût de leurs victimes.

A cet effet, plusieurs personnes se réclamant victimes de la crise postélectorale de novembre2010 à avril 2011 ont manifesté, près d’un hôtel de la commune de Cocody, le mercredi12 février 2014, en marge de la conférence de presse de l’expert de l’ONU sur la situation des victimes de la crise ivoirienne, se disant ‘’oubliées’’ au profit de leurs « bourreaux’’. ‘’Depuis la fin de la crise, on nous a oubliés. Personne ne nous visite ou ne vient s’enquérir de notre situation. Aujourd’hui, ce sont nos bourreaux qui sont à l’honneur et bénéficient de beaucoup plus d’attention‘’, a martelé, à cette occasion, un des manifestants. Ces victimes espéraient rencontrer, en ces lieux, l’envoyé de l’ONU pour le fixer sur la véritable politique envers les victimes de la crise ivoirienne, qui a fait officiellement 3050 morts.

Les victimes réclament le pardon des bourreaux

Une deuxième réaction contre la libération des compagnons de l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, est venue de la commune d’Abobo, le samedi qui a suivi. Malgré la forte pluie qui s’’abattait sur cette cité ce jour-là, un demi-millier de jeunes se sont rassemblés au rond point du banco, où 07 femmes avaient été tuées par les forces pro-Gbagbo, en pleine crise postélectorale, le jeudi 03 mars 2011. Des banderoles véhiculant des messages hostiles au FPI et à son président étaient visibles sous la dizaine de tentes dressées pour ce rassemblement. ‘’La population d’Abobo dit non et non à Affi N’guessan et au FPI’’, lisait-on sur l’une des banderoles quand sur l’autre, il était inscrit ‘’antaafè’’ qui signifierait, en langue malinké, que ‘’nous ne voulons pas de lui’’. ‘’Nous disons non à Affi N’guessan par rapport à ses propos. Ce n’est pas la peine devenir se foutre de nous. On parle de réconciliation mais lui, il nous insulte. Donc, ce n’est pas la peine de venir dans notre commune. Nous sommes prêts et nous l’attendons. Nous allons nous opposer à tout’’, a prévenu Fah Kouyaté, le vice-président des jeunes d’Abobo. Selon lui, ‘’le meeting d’Abobo n’aura pas lieu tant qu’Affi ne demande pas pardon à la population d’Abobo’’.Quant à Amara Sidibé dit

‘’Amara le gros’’, ex-combattant pro-Ouattara, il a abondé dans le même sens, préconisant un pardon public d’Affi N’guessan à la population. ‘’Il doit demander pardon à toute la population à travers la télévision. Il faut qu’Affi N’guessan nous respecte’’, a-t-il ajouté en insistant que la condition pour qu’Affi rentre à Abobo c’est le ‘’pardon d’abord’’. Sidibé a conclu en exigeant ‘’qu’il arrête le fait de parler mal des gens lors de ses meetings. Nous disons non à ses propos par ce que nous avons une plaie qui n’est pas encore finie’’.

La posture du chien ?

Le pardon, un mot qui manque dans le langage des refondateurs et une réaction qui ne s’observe pas dans leur comportement. Et pourtant, les nombreux gestes de réconciliation du gouvernement et du chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, envers les partisans de Laurent Gbagbo pour décrisper l’atmosphère politique dans le pays, se mettant même à dos ses propres partisans, devraient les amener à avoir un profil humble et conciliateur devant le peuple ivoirien. Que nenni ! La direction du FPI souffle le froid d’un côté, et le chaud de l’autre. Après avoir présenté un visage nouveau, apprécié de tous, Affi N’guessan a embouché une fois de plus, à la faveur de la tournée politique qu’il opère à travers le district d’Abidjan, la trompette de la provocation. Lisez et appréciez ces propos qu’il a tenus le dimanche16 février 2014, au stade Inch’Allah de Koumassi, à Abidjan, et qui a fait monter l’adrénaline à Abobo. Dans son discours, il a même ironisé sur la maladie du Président Alassane Ouattara. Cela, au moment où le peuple ivoirien prie pour la guérison rapide de son leader et où des personnalités politiques de l’opposition, tel Mamadou Koulibaly lui apportent soutien et réconfort. ‘’La Côte d’Ivoire a besoin de Laurent Gbagbo pour guérir. Car, il est au centre de la Côte d’Ivoire. Tous les Ivoiriens doivent comprendre cela. Tous ceux qui l’ont accusé ont du mal à trouver les preuves. Voilà pourquoi nous devons croire en sa libération prochaine afin que la Côte d’ivoire soit totalement réconciliée’’.Dans sa foulée, Affi a également réclamé le dégel des comptes des pro-Gbagbo, la libération de Simone Gbagbo, Blé Goudé, Jean Yves Dibopieu et tous les autres prisonniers. ‘’Si rien n’est fait, nous allons bientôt décréter un jour de pleurs en Côte d’Ivoire pour nous faire entendre‘’, a-t-il ajouté. ‘’Ne perdez pas espoir. Soyez confiants. Notre présence ici à Koumassi est un signe annonciateur. L’espérance est en marche. Ceux qui étaient contre nous hier, sont ceux qui nous ouvrent les portes aujourd’hui. Donc, restez mobilisés pour les futures batailles. La peur est finie. Nous sommes dans une dynamique nouvelle. La Côte d’Ivoire est en marche vers la liberté, vers le progrès et c’est le FPI qui est porteur de l’espérance. Faire la dictature est un métier difficile et que si tu ne sais pas la faire, elle occasionne la maladie’’,a lancé, dans un ton guerrier, le président du FPI.

Pardon, ce mot si simple !

Et pourtant, chacun des acteurs politiques impliqués fortement dans la crise ivoirienne est passé à la rédemption devant le peuple ivoirien. Contrairement à ce qu’il veut faire croire, la responsabilité du FPI est plus grande et connue de tous, dans le chaos ivoirien. Il ne peut s’en laver les mains, puisqu’ayant géré la Côte d’Ivoire d’octobre 2000 à avril2011, période qui a vu couler abondamment le sang des Ivoiriens. C’est le ministre Joël N’guessan, porte-parole principal du RDR, qui, dans une déclaration pondue le dimanche 16 février2014, a donné dans la sagesse, en conseillant au parti d’Affi N’guessan la mesure dans les propos et le respect pour les milliers de victimes du pouvoir FPI. ‘’L’expert indépendant de l’ONU, Monsieur Doudou Diène, a organisé, du jeudi au samedi de la semaine dernière, un colloque sur les victimes de la crise ivoirienne. J’ai eu, en un après-midi, l’occasion d’écouter quelques victimes, invités spéciaux de cette rencontre. Les différents témoignages m’ont convaincu que nous ne pouvons pas nous payer le luxe de les abandonner. Leur message est clair et précis: pas de réconciliation sans réparation des préjudices. J’ai été aussi informé des déclarations de nos frères de l’opposition à la cérémonie d’ouverture de ce colloque et pendant les travaux. Je viens de lire et relire dans la presse écrite, aussi bien les déclarations du président du FPI que celles de ses lieutenants qui ont pris part au colloque organisé par l’expert indépendant de l’ONU. Une seule conclusion s’impose à mon intelligence, à ma conscience, à mon éducation et à ma morale: en Côte d’Ivoire, il existe une constante chez une partie de la classe politique; du moins ceux qui prétendent être des politiciens. Cette constante, c’est l’irresponsabilité. Alors que les milliers de victimes sont encore sous nos yeux, mutilés et handicapés à vie, alors que des milliers de familles n’ont pas encore fait le deuil des êtres qui leur étaient chers et qui leur ont été prématurément arrachés, il se trouve des individus qui clament que la réconciliation passe par la libération inconditionnelle des bourreaux d’hier. Ces personnes poussent le bouchon tellement loin qu’elles estiment que le pardonne fait pas partie de leur langage, de leur intelligence ni de leur morale. Elles estiment n’avoir rien à se reprocher. Avec ce type de propos qui sont essentiellement tenus par nos frères du FPI dont le régime a été à la base des tueries massives que notre pays a connues, il n’est pas surprenant que les victimes se révoltent et empêchent d’être narguées. On ne le dira jamais assez: le temps des victimes, quels que soient leurs bords, est arrivé. Nous n’avons plus le droit de les effaroucher par des propos arrogants et insultants. Nous devons tous reconnaître que nous avons, à quelque niveau où nous nous situons, une part de responsabilité dans le drame que notre pays a connu. Ne pas l’admettre et refuser d’adopter l’attitude de repentance et de demande de pardon qui s’impose en pareilles situations, c’est nous discréditer définitivement aux yeux et à la conscience du peuple ivoirien, mais plus grave, c’est nous exposer à une vengeance incontrôlable de ceux qui ont subi, dans leur chair et leur âme, les conséquences de notre crise. A plusieurs occasions, les principaux leaders politiques de notre pays ont tous demandé pardon au peuple de Côte d’Ivoire pour les souffrances subies depuis plus de 10ans de crise politico-militaire: Le Président Alassane Ouattara, le Président Henri Konan Bédié, le président de l’Assemblée nationale, Soro Guillaume, pendant qu’il était à la tête des Forces nouvelles, le président de la CDVR, Charles Konan Banny, etc. Nous avons espéré avant, pendant et après la crise postélectorale que nos frères du FPI allaient suivre cet exemple. Ce ne fut pas le cas et nous attendons tous qu’ils franchissent ce pas. Le moment est donc venu, pour nos frères de l’opposition, de se mettre dans une posture de repentance et de pardon. C’est la porte d’entrée dans le processus de réconciliation. Tous les Ivoiriens les attendent sur ce chantier qui ne fera que les grandir et surtout leur donner une maturité et une nouvelle légitimité politique’’, a expliqué le porte-parole de la case verte. Sans commentaire.

 

 

 

 

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