Par AN | Lementor.net
Plusieurs sélections africaines engagées à la prochaine Coupe d’Afrique des nations, prévue du 21 décembre au 18 janvier au Maroc, ont vivement réagi à la décision de la FIFA de décaler au 15 décembre, au lieu du 8, la date de mise à disposition des joueurs par les clubs. Présentée comme le résultat de « discussions constructives » visant à limiter les contraintes pour les équipes professionnelles, cette mesure est perçue par de nombreux techniciens comme un signe supplémentaire du faible poids de leurs préoccupations dans la gouvernance mondiale du football.
L’instance internationale a exhorté clubs et fédérations à trouver des compromis individuels et s’est dite prête à intervenir en cas de litige. Une approche jugée insuffisante par les sélectionneurs africains, confrontés à des changements de dernière minute mettant en péril leur organisation, alors que le début du tournoi approche à grands pas.
Au Mali, l’entraîneur Tom Saintfiet ne cache pas sa colère. Interrogé par l’AFP, il évoque un « scandale organisationnel » et explique que l’ensemble de son programme de préparation, basé sur la libération anticipée des joueurs, doit être reconstruit. Les rencontres amicales prévues contre le Botswana et la Tanzanie devraient passer à la trappe, faute d’effectif disponible. Pour lui, l’impossibilité de travailler les automatismes constitue un handicap majeur à quelques jours de la compétition.
Aux Comores, Stefano Cusin exprime une frustration similaire. Il rappelle que les fédérations ont engagé des dépenses conséquentes depuis plusieurs mois, avec des dates fixées, des terrains loués, des hôtels réservés et des billets déjà réglés. Modifier les plannings à si court terme revient, selon lui, à « déstabiliser tout un processus structurel » construit de longue date.
Certaines nations, dont le pays hôte, le Maroc, avaient précisément misé sur une préparation allongée pour affiner les derniers détails tactiques. Le changement de calendrier réduit leurs marges de manœuvre et complique la gestion du groupe.
Pour les principaux intéressés, les arguments de la FIFA ne tiennent pas. Cette dernière affirme avoir reconduit le dispositif adopté lors de la Coupe du monde 2022, organisée en pleine saison, qui avait vu les clubs bénéficier d’un délai réduit de libération. Une comparaison jugée hors sujet par les techniciens africains, qui rappellent que le contexte logistique, la densité des déplacements et le niveau d’exposition médiatique ne sont pas comparables.
« On aurait pu nous prévenir beaucoup plus tôt », regrette Cusin, rappelant que les dates de la CAN étaient connues depuis un an. Le sentiment d’être pris de court domine chez de nombreux sélectionneurs, d’autant que leurs équipes ne bénéficient pas du même confort financier ou infrastructurel que les sélections européennes.
Figure emblématique du football africain, Claude Le Roy s’est montré particulièrement sévère. Fort de neuf participations à la CAN sur les bancs de touche, il estime que cette décision illustre une hiérarchie implicite dans le football international : « L’Afrique n’est pas prioritaire ». Il accuse la FIFA d’afficher un discours inclusif, tout en adoptant des arbitrages contraires aux besoins du continent.
Pour lui, l’affaire dépasse le sport : elle met en lumière un rapport de force déséquilibré dans lequel les sélections africaines ont peu de poids.
Une critique largement reprise par Tom Saintfiet, qui s’en prend directement à Arsène Wenger, directeur du développement du football mondial. Selon lui, les décisions actuelles sont dictées par les intérêts des grands clubs européens, au détriment des équipes nationales. Il assure que la méconnaissance du métier de sélectionneur explique des choix inadaptés, voire méprisants.
À l’approche du coup d’envoi, de nombreuses sélections doivent revoir leurs plans en urgence. Entre contraintes imposées par les clubs, coûts déjà engagés et nécessité de maintenir un niveau collectif compétitif, les staffs doivent improviser des solutions temporaires.
Les négociations bilatérales promises par la FIFA pourraient se poursuivre jusqu’à la dernière minute. Mais pour plusieurs sélectionneurs, l’épisode laisse un sentiment d’amertume : celui d’être relégués au second plan dans un système dominé par les clubs européens, et où le football africain peine encore à imposer ses réalités.
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