Par La Rédaction
La suspension des interventions médiatiques de la FIDHOP (Fondation Ivoirienne pour l’Observation et la Surveillance des Droits de l’Homme et de la Vie Politique), annoncée le 4 juin 2025, a ravivé une vieille question au cœur du fonctionnement démocratique : où s’arrête le militantisme et où commence la neutralité républicaine ?
Au centre de la polémique : Dr Boga Sako Gervais, fondateur emblématique de la FIDHOP, ancien ministre de la Réconciliation sous Laurent Gbagbo, aujourd’hui réintégré dans la fonction publique et parfois invité dans les débats politiques télévisés. Le secrétaire général de l’organisation, Bly Marius, l’a publiquement recadré, estimant que ses dernières prises de parole n’avaient pas été validées par la direction et nuisaient à l’image d’indépendance de la Fondation.
Une question d’indépendance et de crédibilité
Dans une démocratie en construction comme celle de la Côte d’Ivoire, la société civile joue un rôle fondamental : veille citoyenne, contre-pouvoir, relais entre l’État et les populations. Mais ce rôle n’a de poids que s’il est porté par des structures véritablement indépendantes. Lorsque des ONG sont perçues — à tort ou à raison — comme des antennes déguisées de partis politiques, c’est la confiance du public qui s’effondre.
La FIDHOP a longtemps été reconnue pour son engagement sur les questions de justice, d’exil et de réconciliation. Toutefois, le cumul des casquettes – intellectuel, militant, religieux et politique – de certaines figures associées à cette ONG a progressivement brouillé les repères. D’où l’importance du recentrage annoncé : se taire momentanément pour mieux redéfinir sa posture.
L’équilibre du jeu démocratique dépend d’une société civile neutre
Pour qu’un scrutin soit crédible, il ne suffit pas d’avoir des institutions fortes. Il faut aussi des contre-pouvoirs légitimes, impartiaux et crédibles. Les ONG qui interviennent dans le suivi des processus électoraux, dans l’observation des droits humains, ou dans les programmes de paix, doivent être au-dessus des clivages.
Des initiatives comme Indigo Côte d’Ivoire, le WANEP, ou certaines antennes nationales du Réseau Ouest-Africain pour la Démocratie ont montré l’importance de structures bien ancrées, techniquement compétentes et politiquement neutres. Ces acteurs contribuent à la transparence, à l’apaisement des tensions, et au dialogue entre adversaires.
Quand la société civile dérive, la démocratie vacille
L’histoire récente de l’Afrique regorge d’exemples où des ONG prétendument apolitiques ont en réalité servi d’instruments de manipulation électorale. En RDC, en 2011, certaines organisations d’observation, financées à la hâte par des réseaux opaques, ont validé des scrutins entachés de fraudes, ce qui a contribué à l’aggravation de la crise post-électorale. En Guinée, en 2020, plusieurs plateformes d’observation avaient des liens avérés avec des partis, brouillant les analyses et affaiblissant la crédibilité de leurs alertes.
Mais le cas le plus frappant reste celui du Zimbabwe en 2008, où certaines ONG censées protéger les droits humains ont été instrumentalisées à des fins de propagande électorale. Le résultat : un rejet massif de leurs rapports, une polarisation accrue, et un effondrement de la médiation.
Quel avenir pour la FIDHOP ?
En décidant de suspendre temporairement sa présence médiatique, la FIDHOP semble vouloir préserver ce qui lui reste de neutralité. Reste à voir si ce silence sera mis à profit pour réorganiser l’institution, clarifier les rôles, et restaurer la confiance. Car à l’approche de la présidentielle d’octobre 2025, la Côte d’Ivoire a plus que jamais besoin d’une société civile forte, mais surtout crédible.
Une démocratie équilibrée repose sur trois piliers : l’État, les partis politiques et la société civile. Quand l’un de ces piliers penche, c’est tout l’édifice qui menace de s’effondrer.
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