Par CB
À quelques mois du scrutin présidentiel du 25 octobre 2025, le paysage politique ivoirien s’anime à nouveau autour d’une question fondamentale : l’opposition peut-elle, cette fois-ci, surmonter ses fractures historiques pour envisager une candidature unitaire capable de défier efficacement le RHDP au pouvoir ? Au centre de cette équation complexe surgit une figure politique à la fois familière et en mutation : Pascal Affi N’Guessan. L’ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo, président du FPI légalement reconnu, fait un retour stratégique sur la scène électorale avec un positionnement qui transcende la posture classique du prétendant à la magistrature suprême. En se présentant comme une passerelle entre les générations politiques, mais aussi entre les égos contrariés de l’opposition, Affi N’Guessan cherche à s’ériger en figure pivot d’une dynamique de rassemblement que beaucoup jugent encore improbable, mais de moins en moins impossible.
Son approche ne repose plus sur la seule rhétorique de rupture, mais sur une proposition de convergence, nourrie d’une expérience politique à cheval entre plusieurs périodes clés de la vie démocratique ivoirienne. L’observation attentive de ses récentes prises de position, notamment aux côtés de figures symboliques comme Simone Ehivet Gbagbo et Charles Blé Goudé, témoigne d’une volonté de remettre en question les lignes de clivage traditionnelles. Dans un contexte où l’hypothèse d’une nouvelle candidature d’Alassane Ouattara gagne en crédibilité, toute tentative de recomposition de l’opposition se heurte à l’urgence stratégique : éviter la dispersion électorale qui, en 2015 comme en 2020, a largement contribué à la victoire du camp présidentiel dès le premier tour.
Pour autant, la viabilité d’un scénario d’union ne saurait être évaluée uniquement à l’aune des déclarations publiques ou des poignées de main symboliques. Le passif est lourd. Les rivalités entre formations héritées de la crise post-électorale de 2010-2011, les ego non résolus, les différenciations idéologiques à peine masquées, et les intérêts partisans demeurent des freins structurels à toute dynamique unificatrice. L’opposition ivoirienne ne manque ni de talents politiques ni de relais populaires, mais elle a souvent péché par manque de méthode, de discipline collective et de vision partagée. La proposition d’Affi N’Guessan se heurte donc à cette réalité : toute tentative de fédération de l’opposition exige non seulement un leadership accepté, mais aussi un véritable pacte stratégique reposant sur des objectifs clairs, une plateforme commune, et un mécanisme de gestion des divergences.
Pour qu’un tel pacte puisse émerger, il faudra rompre avec la logique des candidatures d’ego pour embrasser une logique de coalition, un véritable front politique susceptible de créer une dynamique populaire crédible. La portée symbolique de ce projet réside moins dans le nom du candidat que dans la capacité des forces en présence à parler d’une seule voix sur les enjeux majeurs : la réforme électorale, la justice transitionnelle, la réconciliation nationale, et surtout, la restauration de la confiance citoyenne dans le processus démocratique. Affi N’Guessan, en se plaçant au cœur de ce projet, teste les limites de sa propre influence et la maturité de ses anciens rivaux.
Dans cette phase charnière, les regards se tournent vers les coulisses, où se jouent actuellement les véritables négociations. Les prochaines semaines seront décisives. Si des signaux clairs d’un rapprochement politique sont envoyés, alors l’opposition pourrait, pour la première fois depuis 2010, prétendre sérieusement à renverser les équilibres électoraux. Dans le cas contraire, la dispersion des candidatures scellera une nouvelle fois la reconduction mécanique du pouvoir en place. Ce moment de vérité politique que tente d’orchestrer Affi N’Guessan pourrait bien devenir, selon les choix collectifs à venir, le point de bascule d’une opposition ivoirienne en quête de cohérence, ou le chant du cygne d’un énième échec unitaire.
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