Le FN en tête des régionales françaises : et ils font semblant d’être surpris !

0
2

Ils font tous mine d’être surpris et en sont réduits à des stratégies, forcément illisibles et intenables dans certains cas, du « ni retrait ni fusion» ; et pourtant les partis dits républicains ne doivent pas être étonnés outre mesure de cette vague bleue marine qui déferle sur toutes les régions de France et de Navarre.

Tant l’avis de tempête était annoncé depuis belle lurette et a pris corps au fur et à mesure par des bourrasques plus ou moins dévastatrices. Au soir du second round le 13 décembre prochain, par le jeu des désistements et autres combinaisons politiciennes ou du réveil des abstentionnistes, la droite nationale ne s’installera sans doute pas à la présidence de toutes les six régions où elle arrive en tête au premier tour mais sa percée fera déjà date.

Ce coup de massue électoral du Front national (FN) n’a en fait rien de surprenant, car, à l’image de Paris, la droite extrême ne s’est pas faite en un jour. Laissée sur les bas-côtés du champ politique français jusque dans les années 60-70, en raison notamment du caractère répugnant de son monstre de leader Jean-Marie Le Pen jamais à court de provocations racistes et de blagues douteuses, l’extrême droite a commencé à « se normaliser » au début des années 80 et à prendre une place de plus en plus importante sur l’échiquier quand, à la faveur d’une réforme du mode de scrutin, ses premiers députés (35 au total) feront leur entrée fracassante (déjà !) au Palais Bourbon.

Plus rien n’arrêtera cette ascension progressive jusqu’à ce jour d’avril 2002 où le capitaine du Paquebot (1) ivre jadis amarré au 76-78 rue des Suisses à Nanterre se payera le luxe d’arriver au second tour de la présidentielle avec 16,86% des suffrages devant le socialiste Lionel Jospin. La France républicaine avait beau, toutes chapelles réunies, se ranger corps et âme derrière Jacques Chirac (82, 21% au second tour) pour faire barrage à la bête immonde, celle-ci était dans la maison.

Et n’en sortira plus jamais, cela d’autant plus que le diable, qui s’habille désormais en bleu marine, a entamé une entreprise de « dédiabolisation » du parti au prix d’un déchirant parricide dont on n’a pas encore fini de compter les morts. Après ce qui apparaissait déjà comme un séisme il y a dix ans, la fille faisait ainsi en 2012 le meilleur score de cette formation patrimoniale à la présidentielle (17,90%) avant de pointer à la première place aux européennes de 2014 avec 25% des voix.

Ce qui s’est produit l’autre jour n’est de ce fait que le résultat d’une longue maturation, servi il est vrai par les circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouvent plongés « nos ancêtres les Gaulois ». Le scrutin de dimanche intervenait, on ne le sait que trop, quelque trois semaines après la vague d’attentats à Paris qui a fait 129 morts et plus de 350 blessés dont une bonne centaine dans un état critique.

François Hollande avait beau décréter l’état d’urgence, promettre de modifier la constitution pour faire face à la nouvelle menace et revêtir son treillis de chef suprême des armées pour frapper Daesh dans son sanctuaire de Raqqa en Syrie, l’on se demandait si sa remontée spectaculaire dans les sondages serait suffisante pour contenir la montée du FN au moulin duquel cette violence aveugle de l’Etat islamique apportait de l’eau.

On sait maintenant ce qu’il en a été. Alors que, paradoxalement, les valeurs et le modèle social occidentaux, français en l’espèce, sont tout ce qu’ils abhorrent, les terroristes du Bataclan auraient voulu donner un coup de pouce électoral à Marine, dont on connaît la rhétorique nationaliste et anti-immigration, qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. Hier à la périphérie sur le banc de touche de la république et désespérant de monter un jour sur le terrain, voici aujourd’hui l’extrême droite, c’est un comble…, au centre du jeu.

En vérité, il faut que les hommes (et les femmes) politiques français arrêtent de faire la politique de l’autruche. D’abord parce que depuis maintenant trois décennies, ils ont fait le lit des Frontistes au gré de leurs intérêts électoraux, qu’ils soient de gauche ou de droite, flirtant constamment avec la ligne rouge.

«La France ne peut accueillir toute la misère du monde», ce n’est pas le patriarche des Le Pen qui l’a dit mais un certain Michel Rocard, alors Premier ministre (PS). «Les odeurs et les bruits» (des immigrés NDLR), ce n’est pas sorti de la bouche de Marine mais bien de Chirac «l’Africain». La fameuse image du «pain au chocolat» n’a pas été inventée par Florian Phillipot mais par Jean-François Copé.

Alors, qu’ils cessent de jouer aux vertueux outragés parce que le FN a obtenu dimanche 28% des voix, se positionnant comme «le premier parti de France» après un vote de plus en plus décomplexé des électeurs, qu’il soit de colère, contestataire ou de sanction, appelez-le comme vous voulez. Et il n’est peut-être pas aussi… frontal que ça ce choc dont s’émeuvent tant nos confrères hexagonaux.

Car enfin, s’ils font voilà maintenant 30 ans des bonds successifs dans l’électorat, c’est quand même parce que dans le secret de leur chaumière, pour ne pas dire de l’isoloir, de plus en plus de Français qui n’osaient pas avouer publiquement cette maladie honteuse font désormais confiance à ces « affreux xénophobes et racistes ».

Et ceux qui, par leur incapacité à trouver des solutions aux problèmes de leurs compatriotes (emploi, logement, pouvoir d’achat, etc.) et qui ont de ce fait contribué à faire le lit aujourd’hui douillet des frontistes devraient apprendre à se remettre en cause et à respecter le suffrage populaire.

La démocratie commence d’abord par ça et vu d’ici ça fait un peu sourire de voir ceux qui ont une propension à nous donner des leçons de démocratie dédaigner quelque peu le verdict des urnes. Pourquoi les Français qui ont tout expérimenté sans jamais trouvé remède à leurs multiples maux n’auraient-ils du reste pas le droit d’essayer Marine, surtout que, quoi qu’on puisse en dire, elle effraie moins que son horrible père même si la caque sent toujours le hareng ?

Quant aux Africains qui poussent des cris d’orfraie à l’idée que le FN, à défaut de jeter à la mer tous les blacks et les beurs de l’Hexagone, leur ferme les portes de cet illusoire pays de cocagne où couleraient à souhait le miel et le lait, ils n’ont encore rien vu, car le jour viendra (dans pas très longtemps ?) où l’Ordre Nouveau (2) qui se dessine deviendra un parti de gouvernement s’il n’aménage pas tout bonnement à l’Elysée.

Arrêtons, Grand Dieu, de nous plaindre comme si la France, qui se cherche elle-même, était notre unique planche de salut. Pourquoi du reste ce vent politiquement radioactif qui souffle sur de nombreux pays européens devrait-il s’arrêter comme par magie aux frontières de la France tel le nuage de Tchernobyl ?

Ousseni Ilboudo

L’observateur (Burkina Faso)

Auteur :

Source :

Commentaires facebook

Mettez votre commentaire

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here