Par La Rédaction | Lementor.net
Un ruban côtier de 1 000 kilomètres reliant cinq pays, une population appelée à dépasser les 500 millions d’habitants d’ici à la fin du siècle, des infrastructures interconnectées, des économies imbriquées : le corridor Abidjan–Lagos est en train de prendre forme comme l’un des plus grands projets d’urbanisation et d’intégration régionale du continent africain. Au-delà d’un simple axe routier ou ferroviaire, c’est l’idée d’une véritable mégapole qui s’impose désormais dans les débats politiques, économiques et culturels de la sous-région ouest-africaine.
Un corridor en mutation
Le projet s’appuie sur une réalité déjà visible. Entre Abidjan et Lagos, en passant par Accra, Lomé et Cotonou, les villes s’étendent, se densifient et finissent par se toucher. La route côtière, longtemps perçue comme un axe de transit pour les marchandises, devient progressivement un fil conducteur reliant des centres urbains aux identités diverses mais aux dynamiques économiques complémentaires. Aujourd’hui, près de 40 % du PIB de la CEDEAO se concentre déjà sur ce corridor. L’ambition affichée par les planificateurs est claire : faire du littoral ouest-africain un hub de croissance rivalisant avec les mégapoles mondiales du XXIᵉ siècle.
Les promesses économiques et sociales
Les retombées attendues sont colossales. Une intégration urbaine de cette ampleur favoriserait la libre circulation des biens, des personnes et des idées. Les secteurs portuaire et logistique seraient les premiers bénéficiaires, avec l’extension de plateformes modernes à Abidjan, Tema, Lomé, Cotonou et Lagos. L’emploi, notamment pour la jeunesse, pourrait trouver une nouvelle dynamique grâce aux chantiers d’infrastructures et à l’essor d’industries connexes. L’agriculture et la pêche, bases traditionnelles de la région, profiteraient de nouveaux marchés urbains en constante expansion. La culture, enfin, verrait ses scènes artistiques interconnectées, créant un espace d’influence panafricain unique.
Les défis colossaux
Mais le rêve d’une mégapole ne va pas sans obstacles. La croissance démographique fulgurante, déjà marquée par des flux migratoires internes, pose la question de la gestion de l’habitat, des transports, de l’accès à l’eau et à l’énergie. La sécurité et la lutte contre les trafics sur ce corridor très fréquenté représentent un autre défi majeur. À cela s’ajoutent les interrogations environnementales : comment bâtir une mégapole durable au bord de l’océan, alors que le changement climatique menace les littoraux d’érosion et de montée des eaux ? Les urbanistes appellent à intégrer dès aujourd’hui une vision verte, avec des énergies renouvelables, des réseaux de transport propres et une gestion intelligente des ressources.
Une vision politique et régionale
Le projet Abidjan–Lagos est aussi une affaire politique. Les cinq pays concernés – Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin et Nigeria – devront harmoniser leurs politiques de développement, leurs législations et leurs cadres de coopération. Déjà, des institutions régionales comme la CEDEAO et l’UEMOA s’impliquent, conscientes que ce corridor pourrait être le moteur d’une intégration africaine par le bas, au-delà des sommets diplomatiques. Si le pari réussit, l’Afrique de l’Ouest pourrait présenter au monde une alternative originale de développement régional, fondée sur la complémentarité et la solidarité.
Le rêve d’une Afrique urbaine
À l’horizon 2100, Abidjan–Lagos pourrait devenir l’une des plus grandes conurbations du globe, aux côtés de Tokyo, Shanghai ou São Paulo. Pour beaucoup, ce projet symbolise un tournant : celui d’une Afrique qui ne subit plus la mondialisation, mais qui propose son propre modèle de mégapole, enracinée dans ses réalités culturelles et ouverte sur le monde. Entre rêves et contraintes, entre ambition et prudence, le corridor Abidjan–Lagos est déjà un laboratoire de ce que sera l’Afrique de demain : jeune, urbaine, connectée, et résolument tournée vers l’avenir.
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