Par Jean Pierre Assa
Abidjan, le 5 juin 2025 – C’est une annonce qui tombe comme un couperet pour de nombreux voyageurs et partenaires commerciaux : la compagnie nationale Air Côte d’Ivoire a officiellement suspendu, jusqu’en octobre prochain, sa liaison aérienne directe entre Abidjan et Johannesburg, l’un des axes les plus emblématiques du rapprochement économique entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique australe.
La décision, présentée comme « temporaire » par la direction de la compagnie, s’explique par des contraintes opérationnelles non détaillées, mais que les analystes attribuent à un faisceau de difficultés structurelles : hausse généralisée des coûts d’exploitation, retards dans la maintenance des appareils et défauts d’approvisionnement en pièces détachées dans un contexte mondial encore fragile.
Pour Air Côte d’Ivoire, ce repli forcé intervient dans un climat où les compagnies africaines doivent composer avec un environnement ultra-concurrentiel dominé par les géants du Golfe et les opérateurs européens. La ligne Abidjan-Johannesburg, lancée en grande pompe pour marquer la montée en puissance de la compagnie nationale au-delà de la CEDEAO, représentait un symbole fort d’intégration sud-sud, facilitant les échanges économiques, diplomatiques et culturels entre deux grandes capitales africaines.
Mais au-delà du symbole, c’est tout un segment de clientèle – diplomates, investisseurs, hommes d’affaires, étudiants, et diasporas – qui se retrouve pénalisé par cette suspension. « C’est un recul regrettable à l’heure où la ZLECAF appelle à une plus grande connectivité aérienne entre les États africains », confie un analyste du secteur aérien basé à Accra.
De plus, cette interruption pourrait offrir une fenêtre d’opportunité à des compagnies concurrentes comme Ethiopian Airlines, Kenya Airways ou encore la sud-africaine FlySafair, prêtes à occuper les créneaux laissés vacants. Une perte potentielle de parts de marché qu’Air Côte d’Ivoire devra impérativement contenir lors de la reprise.
La compagnie nationale se veut toutefois rassurante. Dans son communiqué, elle affirme que cette suspension « s’inscrit dans une démarche de restructuration et d’optimisation de ses fréquences », avec l’objectif de reprendre dans de meilleures conditions à partir d’octobre 2025. Il faudra voir si, d’ici là, les investissements nécessaires en logistique, en flotte et en formation seront réalisés pour éviter que d’autres lignes ne subissent le même sort.
Air Côte d’Ivoire, engagée depuis 2023 dans un plan de transformation pour améliorer sa rentabilité et son efficacité opérationnelle, joue ici une partie de son image à l’international. À l’approche de la saison des grandes conférences économiques, de nombreux opérateurs africains espèrent que ce repli momentané n’annonce pas un retrait plus large sur d’autres destinations stratégiques.
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