La création de la Coalition pour l’alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAP) marque une nouvelle tentative de structuration de l’opposition ivoirienne à l’approche de la présidentielle de 2025. Toutefois, l’absence des figures majeures que sont Laurent Gbagbo et Guillaume Soro interroge sur la véritable portée de cette initiative face à un pouvoir solidement ancré.
Une coalition aux ambitions affichées mais aux soutiens limités
L’objectif annoncé de la CAP est clair : fédérer les forces d’opposition autour de revendications cruciales, notamment la réforme de la liste électorale, l’indépendance de la Commission électorale et le financement des élections. Autant de sujets qui touchent directement à la crédibilité du scrutin à venir.
Pourtant, au-delà des intentions, l’unité de l’opposition apparaît fragile. L’absence du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo et du mouvement Générations et peuples solidaires (GPS) de Guillaume Soro réduit considérablement la portée de cette coalition. Deux figures autrefois centrales dans la contestation du pouvoir en place se tiennent en retrait, affaiblissant de fait la dynamique de rassemblement que la CAP prétend incarner.
Tidjane Thiam, un leadership à contre-courant ?
L’un des éléments marquants de cette recomposition politique est l’attitude du président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Tidjane Thiam. En prenant ses distances avec certains opposants, notamment ceux accusés d’entretenir des liens avec la violence politique, il redéfinit les contours du jeu électoral.
« Tous les moyens ne sont pas bons pour arriver au pouvoir », déclarait-il en septembre 2024. Une position qui semble viser autant le pouvoir en place que certaines figures de l’opposition, et qui traduit sa volonté de s’inscrire dans une opposition plus modérée. Mais cette posture, si elle peut rassurer une partie de l’opinion et des partenaires internationaux, fragilise aussi l’unité d’un front déjà divisé.
Le décès d’Henri Konan Bédié, qui avait su maintenir une forme d’équilibre entre les opposants, a laissé un vide que Tidjane Thiam peine à combler. Loin de rassembler, le PDCI semble désormais privilégier une stratégie de distinction, ce qui complique la tâche de la CAP dans sa quête d’unité.
Un pouvoir toujours hégémonique
Face à cette opposition fragmentée, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) continue d’exercer une domination sans partage sur les institutions. À l’Assemblée nationale, au Sénat, au Conseil économique et social, le parti au pouvoir verrouille l’appareil d’État, réduisant les marges de manœuvre de ses adversaires politiques.
Dans un tel contexte, la CAP pourra-t-elle réellement peser dans la balance électorale ? Sans un leadership rassembleur et sans une base élargie, elle risque de se heurter à l’éternel problème de l’opposition ivoirienne : l’incapacité à s’unir face à un adversaire bien structuré et stratégiquement rodé.
L’ultime test de l’opposition
Les mois à venir seront déterminants pour la CAP. Son succès dépendra de sa capacité à dépasser les clivages internes et à mobiliser une population souvent sceptique face aux promesses des partis d’opposition. Sans une stratégie claire et un leadership incontestable, cette coalition pourrait rapidement se limiter à un simple front revendicatif sans véritable incidence sur l’échiquier politique.
L’histoire politique récente de la Côte d’Ivoire a prouvé qu’une alternance pacifique est possible, mais qu’elle exige plus qu’un simple regroupement d’intentions. Il faudra à la CAP bien plus qu’un programme pour exister face au RHDP : un projet de société mobilisateur et une stratégie électorale cohérente. Faute de quoi, elle pourrait rester une coalition sans réelle alternative.
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