par AN | Lementor.net
À l’approche de l’élection présidentielle du 25 octobre 2025, deux institutions occupent une place centrale dans le dispositif électoral ivoirien : la Commission électorale indépendante (CEI), chargée de l’organisation matérielle du scrutin, et le Conseil constitutionnel, responsable de la validation juridique du processus. Ces deux organes, censés garantir la transparence et la légitimité du vote, suscitent pourtant de vifs débats quant à leur impartialité.
La CEI, maître d’œuvre du processus électoral
Créée comme une autorité administrative indépendante, la CEI dispose de son propre budget et d’un réseau de commissions locales réparties sur l’ensemble du territoire. Elle supervise la préparation et la conduite de toutes les élections et référendums en Côte d’Ivoire.
Ses missions principales concernent la mise à jour de la liste électorale, l’ajout des nouveaux électeurs, la radiation des personnes décédées ou déchues de leurs droits civiques, et la suppression des inscriptions frauduleuses.
Depuis la réforme de 2020, elle assure également la collecte des parrainages citoyens exigée pour chaque candidat à la présidentielle. Pour cela, elle fournit des kits numériques et des formulaires papier dans les zones peu connectées, forme les agents collecteurs et veille au bon déroulement de l’opération.
La CEI réceptionne ensuite les dossiers de candidature, vérifie leur conformité et pilote la logistique du scrutin : distribution du matériel électoral, ouverture des bureaux de vote, collecte et transmission des résultats provisoires.
Elle bénéficie à ce titre du soutien matériel du ministère de l’Intérieur, notamment pour la sécurité et l’acheminement des équipements.
Le Conseil constitutionnel, arbitre de la légalité
Le Conseil constitutionnel intervient comme garant juridique du processus électoral. Il statue sur la validité des candidatures, tranche les litiges liés aux élections et proclame les résultats définitifs.
Après l’examen administratif effectué par la CEI, le Conseil établit une liste provisoire de candidats, recueille les réclamations éventuelles, puis publie la liste définitive des éligibles.
À la fin du vote, il examine les résultats provisoires annoncés par la CEI, traite les recours et proclame les résultats officiels. En cas d’irrégularités graves, il peut annuler tout ou partie du scrutin.
Ce scénario s’est déjà produit en 2010, lorsque le Conseil constitutionnel avait invalidé les résultats proclamés par la CEI et désigné Laurent Gbagbo vainqueur, alors que cette dernière donnait Alassane Ouattara en tête. La crise postélectorale qui en a découlé avait coûté la vie à plus de 3 000 personnes et profondément marqué la vie politique ivoirienne.
Des institutions sous pression
Malgré les réformes entreprises, la question de l’indépendance réelle de la CEI et du Conseil constitutionnel reste sensible.
Début juin 2025, la CEI a provoqué une vive controverse après la radiation de Tidjane Thiam de la liste électorale, ainsi que la confirmation de l’inéligibilité de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro.
L’institution invoque l’application stricte des règles : M. Thiam, selon elle, ne possédait pas la nationalité ivoirienne au moment de son enrôlement en 2022. Il n’a retrouvé sa citoyenneté qu’en mars 2025, après avoir renoncé à sa nationalité française.
Les trois autres ont été écartés pour cause de condamnations judiciaires.
Ces exclusions ont déclenché des protestations de l’opposition, qui y voit une manœuvre politique visant à biaiser la compétition électorale.
Autre sujet de tension : la non-tenue de la révision annuelle de la liste électorale. La CEI justifie cette décision par un calendrier électoral surchargé – présidentielle en octobre, législatives en décembre –, mais l’opposition juge ce report illégal et réclame une réforme en profondeur de l’institution.
Une composition critiquée
La CEI compte 18 membres, dont 6 issus du pouvoir, 5 de l’opposition, 6 représentants de la société civile et 1 du Conseil supérieur de la magistrature.
Son président, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, en poste depuis 2019, revendique une gestion impartiale et déplore des accusations qu’il juge « injustes ».
Les principaux partis d’opposition, le PPA-CI et le PDCI, ont toutefois suspendu leur participation à la CEI en avril dernier pour dénoncer un déséquilibre institutionnel jugé défavorable.
À quelques semaines du scrutin présidentiel, la crédibilité de la CEI et du Conseil constitutionnel demeure donc un enjeu central pour la stabilité politique ivoirienne. Leur capacité à organiser un vote apaisé et transparent sera déterminante pour restaurer la confiance du public dans les urnes.
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