Par Dohtani Yeo
Le 1er octobre 2024, à l’ouverture officielle de la campagne principale de commercialisation du cacao 2024-2025, le gouvernement ivoirien a annoncé une hausse historique du prix bord champ, désormais fixé à 1 800 FCFA le kilogramme. Cette mesure, saluée par les producteurs à travers le pays, représente une augmentation de plus de 30 % par rapport à la précédente campagne, où le prix était de 1 300 FCFA/kg.
Une réponse à un contexte mondial tendu
Cette décision intervient dans un climat international marqué par des tensions sur les marchés des matières premières, avec une demande soutenue notamment en provenance d’Asie. Les conditions climatiques extrêmes et la spéculation financière sur les marchés à terme ont également contribué à la flambée des cours mondiaux du cacao. Face à cette conjoncture, le Conseil du Café-Cacao a défendu une politique de soutien renforcé aux producteurs ivoiriens, principaux acteurs de la première économie cacaoyère mondiale.
Dans une déclaration officielle, le directeur général du Conseil Café-Cacao a justifié la hausse du prix bord champ par la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des planteurs, confrontés à une hausse généralisée des coûts de production, notamment les intrants agricoles et la main-d’œuvre.
Des réactions enthousiastes mais vigilantes
Dans les principales zones productrices comme Daloa, San Pedro ou Soubré, les coopératives agricoles ont exprimé leur satisfaction face à cette mesure, considérée comme un geste fort en faveur des petits producteurs. Toutefois, plusieurs d’entre elles appellent à rester vigilants. « Nous saluons cette décision, mais nous espérons qu’elle sera véritablement appliquée sur le terrain », affirme Kouassi Emmanuel, président d’une coopérative à Méagui. En effet, des pratiques de sous-paiement persistent, notamment dans les zones reculées, en raison du manque de contrôle effectif du prix minimum garanti.
Des défis structurels à relever
Si la hausse du prix constitue une avancée immédiate, elle ne résout pas les défis structurels de la filière. Les représentants des producteurs réclament une réforme plus profonde, portant sur trois axes majeurs : la traçabilité des fèves, la lutte contre le travail des enfants, et le développement d’une véritable industrie de transformation locale. À ce jour, moins de 10 % du cacao ivoirien est transformé sur place, ce qui prive le pays de revenus additionnels considérables.
Une dynamique positive confirmée en avril 2025
Le 2 avril 2025, dans le cadre de la campagne intermédiaire, le gouvernement a renforcé cette dynamique haussière en fixant un prix bord champ de 2 200 FCFA/kg, soit une augmentation de 22 % par rapport au tarif principal. Cette mesure exceptionnelle a été justifiée par la persistance des tensions sur le marché mondial et par une volonté politique affirmée de stabiliser durablement les revenus des producteurs.
Vers une nouvelle ère pour la filière cacao ?
Alors que la campagne intermédiaire s’achèvera le 30 septembre 2025, les observateurs s’interrogent sur la pérennité de ces hausses. Si elles traduisent une volonté politique forte, elles devront s’accompagner d’une réforme globale de la gouvernance de la filière et d’un meilleur encadrement du secteur informel.
En attendant, dans les plantations du centre-ouest, c’est un vent d’espoir qui souffle sur les paysans. Pour eux, cette hausse tant attendue représente une bouffée d’oxygène après plusieurs campagnes jugées décevantes. Mais tous savent qu’il faudra plus que des annonces pour garantir une justice durable au cœur du cacao ivoirien.
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