Par AN | Lementor.net
Le sommet des chefs d’État de l’Alliance des États du Sahel (AES), prévu les 22 et 23 décembre 2025 à Ouagadougou, s’annonce comme une étape clé pour les dirigeants du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Depuis dix-sept mois, la Confédération issue de la Charte du Liptako-Gourma s’efforce de consolider son unité et d’élargir son champ d’action. Née d’une crise sécuritaire profonde et du retrait progressif des trois pays de la CEDEAO, l’AES s’est d’abord construite comme un accord militaire destiné à coordonner la lutte contre les groupes jihadistes avant de se transformer en un projet politique plus ambitionné.
En 2024, les trois capitales ont décidé d’en faire une véritable Confédération. Les symboles existent déjà drapeau, logo, communication commune mais les structures restent encore à mettre en place. Aucune administration permanente, aucun siège officiel ni budget autonome ne sont opérationnels pour le moment. La gouvernance de l’AES repose essentiellement sur les rencontres régulières entre chefs d’État et sur les réunions ministérielles qui orientent les priorités du trio sahélien.
Parallèlement, les trois gouvernements ont lancé un vaste chantier identitaire et culturel. Les discours présidentiels sont désormais diffusés simultanément, les projets de télévision commune avancent et des initiatives culturelles et sportives, comme les premiers Jeux de l’AES ou les forums de la jeunesse, permettent de poser les bases d’un imaginaire sahélien partagé. Cette communication fortement centralisée s’accompagne toutefois d’un environnement médiatique de plus en plus contrôlé, marqué par des suspensions de chaînes et des tensions récurrentes avec certains acteurs de la presse.
Sur le plan diplomatique, l’AES poursuit son repositionnement stratégique. Après la rupture avec la France et le retrait officiel de la CEDEAO en début d’année 2025, les trois États se tournent vers de nouveaux partenaires. La Russie occupe une place centrale dans leur coopération militaire et économique, tandis que la Turquie fournit des équipements et un appui technique et que le Maroc étend son influence en profitant des tensions régionales. Ce basculement vise à réduire les dépendances classiques et à obtenir un soutien plus direct dans la lutte contre les groupes armés.
La sécurité reste le pilier de cette alliance. Les trois armées conduisent des opérations conjointes et échangent régulièrement leurs renseignements. L’idée d’une force unifiée d’environ 5 000 hommes continue de circuler, même si sa mise en place n’a pas encore été formalisée. Les trois pays cherchent à reprendre la main après la disparition progressive du G5 Sahel et à instaurer un modèle centré sur leurs propres priorités.
L’intégration économique progresse elle aussi. La Banque d’investissement confédérale doit être financée par une part des taxes douanières de chaque pays. Les ressources minières, notamment l’uranium du Niger et l’or du Mali et du Burkina, constituent un levier essentiel du financement futur. Les dirigeants ambitionnent de réduire l’enclavement par la création d’un chemin de fer reliant Bamako, Ouagadougou et Niamey, par le développement d’une centrale électrique commune et par l’harmonisation progressive des taxes douanières et des politiques agricoles. Les mobilités avancent également, avec le passeport AES déjà déployé au Mali et l’extension des liaisons aériennes entre les trois capitales.
Sur le plan judiciaire, les trois pays ont quitté la Cour pénale internationale pour annoncer la création d’une Cour pénale sahélienne. Le projet n’en est encore qu’à ses débuts, mais il symbolise la volonté des dirigeants de construire un cadre juridique indépendant. L’ensemble de ces initiatives converge vers un objectif : affirmer une souveraineté régionale renouvelée et consolider l’idée d’une communauté sahélienne unifiée.
Le sommet de Ouagadougou devra préciser les contours institutionnels de cette Confédération encore en construction, définir un calendrier clair pour la mise en place des organes communs et clarifier le financement des grands projets. Pour les trois chefs d’État, l’enjeu est désormais de transformer une alliance politique en un véritable espace régional structuré, capable de durer et de s’affirmer face aux défis sécuritaires et économiques qui dominent encore la région.
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