Par La Rédaction, lementor.net
À quelques mois de la présidentielle d’octobre 2025, le climat politique ivoirien semble nous ramener à nos vieux démons. Les grands discours sur la réconciliation, le dialogue national et la maturité démocratique volent en éclats face à une réalité bien plus triviale : celle d’un affrontement verbal creux, agressif, où les invectives remplacent les idées, et où la République semble prise en otage par des postures de cour de récréation.
Après la sortie musclée de Laurent Gbagbo, qui se dit prêt à « se battre », le parti au pouvoir n’a pas tardé à répondre, promettant de « le retrouver dans la rue ». Ce langage de défi, assumé, marque une nouvelle étape dans la cristallisation d’une scène politique où l’on semble désormais revendiquer haut et fort le recours à la rue, à l’affrontement, au chaos. Et ce, dans une République qui prétend encore tirer sa légitimité des urnes.
Faut-il rappeler que la Côte d’Ivoire sort difficilement d’un passé lourd ? Que la guerre post-électorale de 2010-2011 a coûté la vie à près de 3 000 personnes ? Que depuis, aucune responsabilité politique, pénale ni morale n’a été assumée ? Sur ce point, les partis se taisent, comme s’ils s’étaient entendus sur un silence d’acier. C’est dire combien la mémoire collective est méprisée.
Plus grave encore, le « dialogue inter-Ivoiriens », autrefois présenté comme un tournant historique, n’aura finalement été qu’une parenthèse creuse. Il a accouché d’une souris. Car aujourd’hui, c’est un torrent de propos désolants qui domine le paysage : accusations grotesques, insultes ethniques à peine voilées, menaces à peine déguisées. Pour l’opposition, le pouvoir serait une « constellation d’étrangers ». Pour le pouvoir, l’opposition ne serait qu’un groupe de « zozos ». Voilà donc la démocratie que l’on offre au peuple. Une démocratie de Zozos.
Mais de quel peuple parle-t-on, au fond ? Celui qui n’est plus dupe. Celui qui, dans le silence, observe, juge, se lasse. Les grandes mobilisations d’antan ont fait place à une fatigue collective. Les meetings ont moins de ferveur. Les visages sont fermés. Les jeunes ne s’enflamment plus. Les anciens soupirent. Car au fond, chacun espérait que cette année électorale serait l’occasion d’un débat d’idées, de confrontation de visions, de maturité politique.
Au lieu de cela, nous assistons à un spectacle affligeant. Un théâtre où les acteurs politiques excellent en énormités, en grossièretés, en provocation. Un théâtre qui laisse entendre que, peut-être, les leaders d’hier n’ont plus rien à offrir à la jeunesse d’aujourd’hui. Que leur imaginaire politique s’est figé, incapable d’inventer autre chose que la peur ou la colère.
Il est encore temps de redresser la barre. Mais le temps presse. Le peuple, lui, ne demande pas la perfection. Il attend du respect, de la clarté, une alternative. Il attend que ceux qui aspirent à gouverner parlent à son intelligence, pas à ses peurs. Il attend que la démocratie ivoirienne cesse d’être un champ de joutes infantiles pour redevenir un espace de choix sérieux et pacifique.
La démocratie ne se décrète pas. Elle s’élève. Elle se mérite. Et pour l’instant, ce que l’on voit, ce n’est pas une démocratie adulte. C’est, disons-le franchement, une démocratie de Zozos.
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