Par Jean Pierre Assa
Dans un mouvement inédit sur le marché financier international, la Côte d’Ivoire a officiellement émis ce jeudi 17 juillet 2025 son tout premier “Samouraï Bond”, pour un montant équivalent à 50 milliards de FCFA libellé en yens japonais. Une opération pionnière dans toute l’Afrique subsaharienne, qui illustre la volonté d’Abidjan de diversifier ses sources de financement tout en consolidant son image de bon élève macroéconomique auprès des investisseurs internationaux.
Les Samouraï Bonds, encore peu utilisés par les économies africaines, sont des obligations émises en yen japonais sur le marché japonais, mais par un emprunteur étranger. Leur attractivité réside dans des taux historiquement bas, une base d’investisseurs stable et une exigence élevée en matière de gouvernance, souvent perçue comme un gage de crédibilité pour les émetteurs.
Pour la Côte d’Ivoire, cette opération revêt une triple portée : politique, économique et symbolique. Elle marque d’abord une nouvelle étape dans sa stratégie de financement de la dette publique, en sortant du carcan classique des eurobonds, plus coûteux et soumis à une volatilité de plus en plus marquée. Ensuite, elle témoigne de la confiance des acteurs japonais dans le profil de risque ivoirien, à un moment où les marchés émergents font face à des pressions croissantes dues à la remontée des taux d’intérêt mondiaux.
Cette émission pourrait servir de test grandeur nature pour d’autres pays de l’UEMOA, en quête de financement à moindre coût et moins exposé au dollar ou à l’euro. D’ailleurs, plusieurs analystes évoquent déjà un « effet d’entraînement » à l’échelle régionale, dans la mesure où la Côte d’Ivoire, en tant que locomotive économique, ouvre la voie à de nouveaux instruments financiers compatibles avec les ambitions du continent.
Les fonds mobilisés, dont les conditions précises (durée, taux, échéancier) restent encore à être communiquées en détail, devraient être orientés vers des projets stratégiques d’infrastructure, d’éducation et d’industrialisation, selon les sources proches du ministère des Finances. Il s’agirait notamment d’accélérer la mise en œuvre du Plan National de Développement (PND 2021–2025), tout en maintenant les équilibres budgétaires dans un contexte de réduction progressive des déficits.
Au-delà des chiffres, cette opération traduit également un signal fort envoyé aux agences de notation, aux bailleurs multilatéraux et aux investisseurs étrangers. Elle suggère que la Côte d’Ivoire entend rester attractive et innovante dans sa gestion financière, malgré les défis structurels liés à la dette, à l’emploi jeune ou encore à la compétitivité de ses exportations.
En cette année pré-électorale, où les annonces économiques sont scrutées à la loupe, l’émission de ce Samouraï Bond s’impose comme une victoire diplomatique et technique. Elle renforce la posture du pays sur la scène financière internationale, tout en inscrivant Abidjan dans une dynamique de plus grande ouverture vers les marchés asiatiques.
Reste désormais à observer l’usage effectif de ces ressources, et à garantir que cette innovation financière s’accompagne d’une transparence budgétaire exemplaire. Car plus que le symbole, c’est l’impact réel de cette dette nouvelle sur le quotidien des Ivoiriens qui sera, in fine, le véritable juge de paix.
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