Par CB
Guillaume Kigbafori Soro, ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire et figure politique controversée en exil depuis 2019, a annoncé l’organisation d’une conférence internationale sur la réconciliation nationale ivoirienne, prévue du 5 au 7 juillet 2025 à Paris. Dans une vidéo publiée le lundi 9 juin sur ses réseaux sociaux, l’ex-Premier ministre a déclaré vouloir « créer un espace d’échange inclusif » réunissant la diaspora ivoirienne, des acteurs de la société civile, des universitaires africains et européens, ainsi que des représentants diplomatiques.
Une initiative aux airs de stratégie politique
Cette annonce intervient dans un contexte électoral tendu, à seulement quatre mois de la présidentielle ivoirienne prévue en octobre 2025. L’initiative relance les spéculations sur les intentions politiques de Guillaume Soro, condamné par contumace à la prison à perpétuité en 2023 pour tentative d’atteinte à la sûreté de l’État. Son camp continue de dénoncer un procès politique visant à l’écarter durablement du jeu électoral. En dépit de son exil, il reste actif sur les réseaux sociaux et conserve une base militante fidèle, notamment dans les régions du nord du pays et au sein de la jeunesse estudiantine.
Une conférence ouverte et internationale
Selon le communiqué publié par son mouvement Générations et Peuples Solidaires (GPS), la conférence s’articulera autour de plusieurs panels, portant notamment sur :
- les mécanismes de réconciliation post-crise ;
- la justice transitionnelle ;
- le rôle de la diaspora dans la reconstruction nationale ;
- et la nécessité d’un dialogue intergénérationnel pour tourner la page des crises successives.
Des universitaires ivoiriens de la diaspora, notamment de France, de Belgique et du Canada, auraient déjà confirmé leur participation. L’événement ambitionne également d’impliquer des organisations de défense des droits de l’homme et des observateurs internationaux, dont certains représentants de la Francophonie et d’ONG telles que Crisis Group et Amnesty International.
Réactions timides à Abidjan
Pour l’heure, aucune réaction officielle n’a été enregistrée du côté du gouvernement ivoirien. Mais en coulisses, certains proches du pouvoir dénoncent une « tentative de manipulation de l’opinion internationale », tandis que d’autres voient dans cette conférence une possible « plateforme de réhabilitation politique ».
Plusieurs partis de l’opposition, y compris des figures de la gauche et du centre, ont salué le principe d’un dialogue inclusif mais restent prudents quant à leur participation. Du côté du Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo, aucune position officielle n’a encore été prise, bien que certains de ses militants aient partagé positivement l’annonce sur les réseaux sociaux.
Soro cherche-t-il à réécrire le récit de son exil ?
Au-delà de l’objectif affiché de réconciliation, cette conférence apparaît pour de nombreux analystes comme une tentative de repositionnement politique, à un moment stratégique. Soro, absent du pays depuis décembre 2019 après avoir été empêché de rentrer en Côte d’Ivoire pour y déposer sa candidature à la présidentielle de 2020, tente de peser sur le débat national depuis l’extérieur. Il multiplie les appels à une « transition pacifique et démocratique », tout en se disant victime d’un « régime autocratique ».
La conférence prévue à Paris pourrait ainsi lui permettre de reconstruire sa légitimité sur la scène internationale, en s’érigeant en acteur de paix, à défaut de pouvoir concourir à l’élection présidentielle de 2025.
Vers une recomposition du paysage politique ?
À quelques mois du scrutin, l’initiative de Guillaume Soro vient complexifier un paysage politique déjà en pleine recomposition. Tandis que le RHDP se prépare à présenter un candidat de continuité, que le PDCI tente de se redéfinir après la réélection contestée de Tidjane Thiam à sa tête, et que le PPA-CI poursuit ses réformes internes, l’apparition de voix alternatives pourrait forcer les partis traditionnels à reconsidérer leur stratégie.
La conférence de Paris sera-t-elle un simple forum d’exilés ou un déclencheur de dynamique politique nouvelle ? La réponse dépendra non seulement de la participation qu’elle suscitera, mais aussi de la capacité de Guillaume Soro à convaincre au-delà de ses cercles traditionnels.
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