Par Bakary Cissé | Lementor.net
La Côte d’Ivoire, qui avait su, au prix d’efforts considérables, tourner la page des discours ethnocentristes et des appels à la haine, voit ressurgir les vieux démons d’un passé que l’on croyait révolu. Comme un mauvais feuilleton que personne ne voulait revoir, les champions autoproclamés de la « race pure » et du « pedigree ivoirien » ont repris du service, drapés dans leurs vieilles certitudes et nourris par la nostalgie d’un temps où la division faisait loi. Leur retour sur la scène politique, marqué par la marche organisée le 9 août à Yopougon, n’a laissé aucune ambiguïté : les slogans haineux, les accusations infondées et la paranoïa xénophobe sont bel et bien de retour.
Après des années passées à l’écart, y compris pour certains sur les bancs de la justice internationale, ces figures revendiquent aujourd’hui leur innocence et présentent leurs condamnations passées comme des « injustices », occultant soigneusement les responsabilités qui furent les leurs. Leur discours reste inchangé : entretenant la suspicion envers tout ce qui ne correspond pas à leur vision restrictive de l’ivoirité, brandissant l’idée d’une nation menacée par des « étrangers » et nourrissant un climat de méfiance à l’égard des institutions et des forces armées. Leurs accusations, parfois grotesques, vont de l’armée prétendument « infiltrée » par des non-Ivoiriens à la contestation de la nationalité de soldats envoyés en mission au Mali, tout en affichant un soutien opportuniste à l’Alliance des États du Sahel.
Ce double langage illustre parfaitement une constante : le patriotisme à géométrie variable, où l’on s’érige en défenseur de la patrie tout en minant son unité. Derrière les postures, les méthodes sont éprouvées : lancer des rumeurs aux relents xénophobes, se poser en victimes dès que la critique surgit, invoquer la démocratie tout en flirtant avec l’appel au désordre, et répéter inlassablement ces messages jusqu’à fragiliser le climat social et politique. Leurs « vérités » sont en réalité des instruments de discorde, leur héritage un passif lourd de conflits et d’occasions manquées.
Face à ce retour aux pratiques qui ont plongé la Côte d’Ivoire dans ses heures les plus sombres, la justice ne peut rester passive. Les poursuites engagées contre ces tenants du tribalisme ne sont pas une persécution politique, mais la simple application d’un principe fondamental : nul n’est au-dessus de la loi. La jeunesse ivoirienne mérite mieux que ces fauteurs de troubles qui réduisent la politique à un combat de clans, préférant la fracture nationale à la construction collective.
La Côte d’Ivoire d’aujourd’hui n’est plus celle des années 2000. Elle aspire à la paix, au développement et à une vie politique débarrassée des surenchères identitaires. Ceux qui rêvent encore de rallumer les braises de la division doivent comprendre que le pays ne se laissera pas entraîner à nouveau dans cette spirale destructrice. Si la nostalgie est un droit, la haine ne le sera jamais. Les dinosaures tribaux peuvent bien rugir, ils ne doivent plus avoir la capacité de dévorer l’avenir.
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