Par Jean Pierre Assa
Au sein du plus vieux parti politique ivoirien, la paix n’est qu’apparente. Derrière la façade du renouveau symbolisé par Tidjane Thiam, président élu du PDCI-RDA en décembre 2023, couvent des tensions profondes, révélatrices d’un choc générationnel et stratégique. L’affrontement discret mais significatif entre Thiam et Valérie Yapo, ex-secrétaire exécutive adjointe, met à nu les fractures internes d’un parti à la croisée des chemins entre tradition et modernité.
Valérie Yapo conteste ouvertement la légitimité de certaines décisions prises par la nouvelle direction du parti, notamment en ce qui concerne la mise en place des nouvelles structures régionales et la centralisation des nominations. Pour elle, le style managérial et technocratique de Tidjane Thiam s’éloigne de l’esprit participatif et décentralisé du PDCI tel que bâti par Félix Houphouët-Boigny. Elle accuse la direction actuelle d’imposer un leadership vertical, où les voix dissidentes sont marginalisées.
De son côté, Tidjane Thiam entend refonder le PDCI pour le préparer à gouverner dans un monde nouveau. Sa stratégie repose sur la réorganisation des fédérations, la numérisation du parti et une rigueur nouvelle dans la sélection des candidats et des responsables locaux. Pour ses partisans, cette dynamique est salutaire, voire vitale, face à un RHDP bien structuré et une jeunesse électorale exigeante. Mais cette volonté de réforme rapide, bien que saluée à l’extérieur, heurte les sensibilités internes de certains cadres historiques.
L’affaire portée en justice par Valérie Yapo, visant la suspension d’organes du parti, a été déclarée sans objet par le tribunal. Toutefois, elle marque un tournant symbolique. C’est la première fois depuis des années que le PDCI-RDA voit ses différends étalés publiquement dans une enceinte judiciaire. Cela fragilise l’image d’unité que Thiam cherche à projeter, surtout en pleine période de pré-campagne présidentielle.
Au-delà du différend entre deux figures, c’est toute la question de l’identité du parti qui est posée. Le PDCI-RDA est-il prêt à faire peau neuve au prix de ses traditions ? Peut-il concilier discipline organisationnelle et expression démocratique ? Sa capacité à répondre à ces dilemmes internes déterminera s’il reste un acteur central de la présidentielle de 2025 ou s’il basculera dans une crise de représentativité durable.
En politique, la forme compte autant que le fond. Et pour un parti qui revendique l’héritage du père fondateur, la manière dont il gère ses différends pourrait être aussi déterminante que son programme électoral.
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