Depuis le retrait de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) fin 2023, les violences contre les populations civiles se sont intensifiées dans le pays. Dans un rapport publié ce jeudi 12 décembre 2024, l’organisation Human Rights Watch (HRW) accuse la junte militaire au pouvoir, l’armée malienne, son allié russe Wagner, ainsi que des groupes armés islamistes, de “graves atrocités” ayant causé des dizaines de morts et des milliers de déplacés.
Des civils pris en étau entre les forces maliennes et les jihadistes
Selon le rapport, les forces armées maliennes, appuyées par le groupe paramilitaire russe Wagner, auraient “délibérément tué au moins 32 civils” dans le centre et le nord du Mali depuis mai 2024. Parmi les incidents rapportés figurent des exécutions sommaires et des disparitions forcées.
De leur côté, les groupes armés islamistes, notamment le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) affilié à Al-Qaïda, ainsi que l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), sont accusés d’avoir tué au moins 47 civils et de semer la terreur dans plusieurs localités. Le rapport souligne également que ces violences ont conduit au déplacement de milliers de personnes depuis juin 2024.
Un bilan probablement sous-estimé
HRW souligne que ces chiffres sont probablement très en deçà de la réalité. “Depuis le départ de la Minusma il y a un an, il est extrêmement difficile d’obtenir des informations complètes sur les exactions, et nous sommes très inquiets que la situation soit bien pire que rapportée”, déclare Ilaria Allegrozzi, chercheuse de l’organisation pour le Sahel.
Le rapport s’appuie sur 47 témoignages de victimes et de témoins, des sources locales informées, ainsi que sur l’analyse d’images satellites et de vidéos postées sur les réseaux sociaux. Malgré l’envoi des conclusions de cette enquête au gouvernement malien, aucune réponse n’a été obtenue.
La fin de la Minusma : un tournant sécuritaire
Le retrait de la Minusma, qui comptait 15 000 soldats et policiers, a été acté par le Conseil de sécurité des Nations unies à la demande de la junte malienne. Ce départ a laissé un vide sécuritaire dans de nombreuses régions du pays. Depuis, l’armée malienne, appuyée par Wagner, s’efforce de reprendre le contrôle, mais ses méthodes sont de plus en plus dénoncées pour leur brutalité à l’égard des populations civiles.
Une crise humanitaire en expansion
Les violences accrues ont exacerbé la crise humanitaire dans le pays. Selon HRW, des milliers de familles ont été contraintes de fuir leur foyer, aggravant une situation déjà critique dans un pays en proie à l’instabilité depuis plus d’une décennie.
Face à ces accusations, le gouvernement malien, qui s’était engagé à restaurer la souveraineté nationale après le départ de la Minusma, reste silencieux. Pour HRW, l’impunité persistante risque de renforcer un cycle de violence dont les premières victimes sont les civils.
Le rapport de HRW appelle à une prise de conscience internationale urgente pour protéger les civils maliens. Cependant, dans un contexte où les institutions internationales peinent à s’imposer et où les acteurs locaux multiplient les abus, les perspectives d’amélioration restent incertaines.
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