Par Dohotani Yeo | Lementor.net
L’annonce, par des sources concordantes, de la garde à vue de l’ancien Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga marque un tournant dans la relation déjà fragile entre l’ex-chef du gouvernement et la junte militaire dirigée par le colonel Assimi Goïta. Officiellement, la procédure est motivée par une enquête pour malversations économiques présumées portant sur près de 2 milliards de francs CFA, notamment autour de la gestion de l’Agence de gestion du fonds d’accès universel (AGEFAU). Choguel Maïga et son directeur administratif et financier (DAF) seraient sur le point d’être présentés devant le procureur général de la Cour suprême.
Sur le plan judiciaire, l’affaire s’inscrit dans une série d’actions menées par le Pôle national économique et financier contre des personnalités de haut rang, y compris d’anciens alliés du régime. Mais, au-delà de l’argument juridique, cette arrestation survient dans un contexte politique particulièrement tendu. Depuis plusieurs semaines, le pouvoir militaire a lancé une vaste opération de neutralisation des menaces perçues à l’intérieur de l’appareil d’État, avec notamment l’arrestation de dizaines de militaires — y compris deux généraux — soupçonnés de complot contre le régime.
Pour de nombreux observateurs, la garde à vue de Choguel Maïga dépasse la seule question de la transparence financière. Elle illustre aussi une stratégie de consolidation autoritaire dans laquelle les figures politiques encore influentes, capables de cristalliser un courant d’opinion, deviennent des cibles prioritaires. Chef du gouvernement de juin 2021 à décembre 2023, Choguel Maïga avait été écarté dans un climat de tensions internes avec la junte, et sa voix, bien que plus discrète ces derniers mois, restait écoutée par une partie de l’opposition.
La procédure judiciaire, quelle qu’en soit l’issue, risque de peser lourdement sur son avenir politique et de renforcer l’image d’un Mali où le verrouillage politique et la répression des dissidences vont de pair avec une rhétorique de restauration de l’ordre. Dans un pays déjà fragilisé par l’insécurité chronique et les pressions économiques, ce nouvel épisode vient rappeler que la stabilité politique reste, plus que jamais, un équilibre précaire.
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