Les récents propos incendiaires du Premier ministre de transition malien, Choguel Kokalla Maïga, font couler beaucoup d’encre à Bamako. En critiquant frontalement les militaires au pouvoir, notamment leur décision de reporter les élections, Maïga semble jouer une carte audacieuse et risquée pour affirmer son indépendance politique et préserver son avenir sur l’échiquier national.
Lors d’une déclaration ce week-end, Choguel Maïga a dénoncé ce qu’il qualifie de “décision unilatérale et dangereuse” des autorités militaires de prolonger la transition. Ces critiques, dirigées implicitement contre le président de transition, le colonel Assimi Goïta, et son entourage, marquent un tournant dans les relations tendues entre la primature et la présidence.
Les organisations proches du régime militaire ne tardent pas à réagir : plusieurs d’entre elles ont exigé la démission immédiate de Maïga, l’accusant de semer la discorde au sein de l’État et de compromettre l’unité nationale. Toutefois, les militaires eux-mêmes gardent un silence stratégique face à cette controverse, laissant leurs alliés civils exprimer leur mécontentement.
Un jeu politique à double tranchant
Choguel Maïga, figure politique aguerrie et président du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), n’en est pas à son premier coup d’éclat. Depuis sa nomination à la tête du gouvernement de transition en juin 2021, il a souvent oscillé entre un discours loyaliste à l’égard des militaires et des prises de position critiques visant à consolider sa propre légitimité.
En critiquant ouvertement le report des élections, initialement prévues pour février 2024, Maïga se positionne comme un défenseur de la démocratie face à une transition militaire de plus en plus critiquée. Cette posture pourrait lui permettre de rallier des soutiens parmi les acteurs politiques frustrés par la gestion militaire du pouvoir. Cependant, cette stratégie n’est pas sans risques : en défiant les autorités militaires, il s’expose à des représailles, voire à une éviction pure et simple de son poste de Premier ministre.
Des enjeux cruciaux pour la transition malienne
La situation politique malienne reste complexe. Les militaires, qui ont pris le pouvoir lors du coup d’État d’août 2020, font face à une pression croissante de la part de la communauté internationale et de certains segments de la population pour respecter le calendrier électoral. Le report des élections, officiellement justifié par des contraintes sécuritaires et logistiques, est perçu par certains comme une tentative de prolonger indéfiniment leur mainmise sur le pouvoir.
Dans ce contexte, les critiques de Choguel Maïga résonnent comme un écho aux inquiétudes exprimées par une partie de la classe politique et de la société civile. Mais elles risquent également de fragiliser encore davantage un gouvernement déjà divisé et confronté à des défis colossaux, notamment la lutte contre l’insécurité et la restauration de la confiance des citoyens.
Un avenir incertain
L’avenir politique de Choguel Maïga reste suspendu à un fil. S’il parvient à conserver son poste malgré la fronde de ses détracteurs, il pourrait se poser en alternative crédible au régime militaire lors des prochaines échéances électorales. Dans le cas contraire, son éviction pourrait marquer la fin d’une carrière politique tumultueuse, mais aussi le début d’une nouvelle crise institutionnelle au Mali.
Dans un pays où les transitions politiques se jouent souvent dans l’ombre, la stratégie du Premier ministre est une manœuvre à haut risque. Le silence des militaires au pouvoir, qui n’ont pour l’instant pas répondu à ses critiques, laisse planer l’incertitude sur les prochaines étapes. Une chose est sûre : la stabilité de la transition malienne en dépend.
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