La transition malienne traverse une zone de turbulences majeures, et le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, semble de plus en plus isolé. Le 18 novembre 2024, le Comité stratégique du Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), par la voix de son président par intérim, Imam Oumarou Diarra, a réitéré son appel à une décision claire pour mettre un terme à ce qu’il qualifie de « confusion entretenue » par le Premier ministre.
Un leadership contesté
Le M5-RFP, un acteur clé des mouvements ayant mené au changement politique au Mali en 2020, accuse Choguel Maïga de nourrir un climat de division et de déstabilisation. Dans une déclaration rendue publique, le Comité rappelle que Choguel a été démis de ses fonctions de président du Comité stratégique du M5-RFP depuis mars 2024. Selon eux, ses agissements récents, notamment ses propos tenus lors d’un meeting au CICB le 16 novembre, témoignent d’un mépris des intérêts collectifs et d’une tentative manifeste de compromettre la transition en cours.
Le bâtisseur d’une transition devenue un piège
Ironie de l’histoire : celui qui avait contribué à légitimer le régime militaire en place se retrouve aujourd’hui sacrifié sur l’autel des ambitions des colonels au pouvoir. Choguel Kokalla Maïga a été l’une des figures centrales du processus de transition depuis le coup d’État de 2020. Son rôle a été déterminant pour asseoir la crédibilité d’une junte militaire critiquée à l’international. En s’érigeant en défenseur de la « rectification de la transition », Choguel a porté la voix du régime, défendant les choix des militaires face à une opinion publique souvent désabusée.
Cependant, ce rôle de bouclier politique et médiatique a fini par devenir un piège. La même transition qu’il a contribué à stabiliser semble désormais le dévorer vivant. Ses détracteurs, qu’ils soient civils ou militaires, l’accusent d’avoir exacerbé les tensions internes par une gouvernance perçue comme autocratique et d’avoir servi de fusible pour des décisions impopulaires. En cultivant des alliances fragiles et en endossant la défense acharnée d’un régime militaire, il a perdu des soutiens essentiels parmi les civils, les anciens camarades du M5-RFP, et même au sein de l’armée.
Une exclusion déjà actée
Le Comité stratégique insiste sur le fait que Choguel Maïga n’a plus aucune légitimité pour parler ou agir au nom du M5-RFP depuis sa destitution. L’organisme appelle à une rupture nette, réclamant « l’exclusion pure et simple » de Choguel du cadre politique actuel et de tout projet futur dans la transition. Sa proposition pour être reconduit au poste de Premier ministre est rejetée catégoriquement par le M5-RFP, qui en appelle aux autorités de la transition pour prendre des mesures fermes.
Des critiques sur sa gestion
Les accusations contre Choguel ne s’arrêtent pas là. Le Comité stratégique souligne la nature répétée des « actes graves » posés par le Premier ministre, qu’il considère comme des entraves à la stabilité politique et sociale du Mali. Cette position s’inscrit dans une série de critiques adressées à la gestion de Choguel, jugée inadaptée à un contexte marqué par des crises sécuritaires et économiques sans précédent.

L’urgence de sauver la transition
Le M5-RFP exhorte les autorités, notamment le président de la transition, Assimi Goïta, à agir rapidement pour éviter que la situation ne s’aggrave davantage. Dans son appel, le Comité insiste sur la nécessité de préserver l’unité des Forces de Défense et de Sécurité ainsi que de toutes les parties prenantes civiles et militaires engagées dans la transition.
Un héritage piégé par les ambitions personnelles
Alors que la crise atteint son paroxysme, Choguel Maïga semble être devenu le symbole des ambitions démesurées de certains membres de la transition. En cherchant à s’imposer comme un acteur clé du régime, il a négligé les rapports de force internes et les rivalités qui se sont exacerbées au sein de la junte. Les colonels, dont les ambitions personnelles semblent désormais primer sur les intérêts collectifs, n’hésitent pas à sacrifier l’un de leurs plus loyaux serviteurs pour resserrer leur emprise sur le pouvoir.
Alors que les tensions continuent de monter, les prochains jours pourraient être décisifs pour l’avenir de Choguel Kokalla Maïga. Ce dernier, de plus en plus affaibli politiquement, fait face à une pression croissante pour quitter son poste. Mais sa résistance laisse entrevoir un bras de fer qui pourrait fragiliser davantage un pays déjà au bord du gouffre.

Un climat d’incertitude
L’appel du M5-RFP marque une étape importante dans cette crise politique. Pour beaucoup, il reflète une fracture irréparable entre Choguel et les principaux acteurs de la transition. À Bamako, les spéculations vont bon train : qui pourrait succéder au Premier ministre ? Les regards se tournent désormais vers Assimi Goïta, qui devra trancher et assumer les conséquences d’un éventuel remaniement au sommet de l’État.
Avec un pays en proie à l’instabilité sécuritaire et politique, le Mali attend des décisions fermes pour sortir de cette impasse. La transition, qui avait promis un renouveau, risque désormais de sombrer dans une crise dont elle pourrait ne jamais se relever.
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