Par AN | Lementor.net
Alors que le mandat d’António Guterres s’achèvera officiellement le 31 décembre 2026, les Nations unies ont enclenché, ce 26 novembre, la procédure devant aboutir à la nomination du prochain Secrétaire général. Les États membres peuvent dès à présent soumettre les profils qu’ils souhaitent voir concourir pour prendre la relève à partir du 1er janvier 2027. Cette ouverture marque le coup d’envoi d’une succession particulièrement scrutée au sommet de la diplomatie mondiale.
Comme le stipule la Charte onusienne, le processus repose sur un mécanisme à deux niveaux : le Conseil de sécurité, composé de 15 États, sélectionne un candidat ; l’Assemblée générale, forte de 193 membres, entérine ensuite le choix par un vote formel. Les critères demeurent stricts : compétence, intégrité, efficacité, mais aussi une expérience d’au moins deux décennies dans des fonctions diplomatiques, politiques ou liées au système des Nations unies. Le futur dirigeant doit également incarner l’esprit de la Charte et défendre les valeurs du multilatéralisme.
Depuis 2016, l’ONU revendique un processus plus transparent. Les prétendants doivent déposer un dossier comprenant CV, lettre de vision stratégique et engagement écrit, puis se soumettre à des auditions publiques avec les États membres. Un format qui tranche avec les pratiques longtemps confinées aux échanges feutrés et aux négociations discrètes entre puissances.
Pour l’heure, aucune candidature n’a encore émergé officiellement. Les prochains mois permettront de mesurer les stratégies étatiques et les ambitions individuelles. Au Conseil de sécurité, les traditionnels « straw polls », indicatifs et à huis clos, servent à dégager progressivement un favori. Mais la partie reste dominée par les cinq membres permanents – États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni – dont le veto peut immédiatement bloquer une candidature.
La question de la rotation régionale, qui refait surface à chaque élection, ne garantit rien en pratique. Si l’ONU affirme veiller à une certaine alternance géographique, l’histoire montre que les rapports de force géopolitiques pèsent bien plus lourd que les usages. Depuis 1946, l’Europe a fourni la majorité des Secrétaires généraux. L’Afrique et l’Asie en comptent deux chacun, l’Amérique latine un seul. L’Europe de l’Est, elle, n’a encore jamais occupé la fonction, ce qui pourrait relancer les revendications régionales sans présager d’un consensus.
L’exemple de Ban Ki-moon illustre la place déterminante des jeux d’influence : peu favori auprès des capitales occidentales en 2006, le Sud-Coréen avait finalement émergé grâce au soutien appuyé de la Chine et de la Russie, désireuses de voir un candidat asiatique accéder au poste. De telles recompositions d’alliances ne sont pas rares dans les organisations internationales, comme l’avait illustré en 1997 le retrait inattendu du diplomate congolais Henri Lopès lors de la course à la tête de l’OIF, face à l’entrée en lice d’Abdou Diouf.
António Guterres, quant à lui, quitte l’ONU après un long parcours politique et diplomatique. Ancien Premier ministre portugais, il a dirigé le HCR pendant dix ans, au cœur de crises migratoires majeures, avant de prendre en 2017 la tête de l’organisation mondiale. Durant ses deux mandats, il a affronté des défis historiques : pandémie de Covid-19, tensions croissantes entre grandes puissances, urgences climatiques, paralysie du Conseil de sécurité. Ses appels à une réforme profonde de l’institution n’ont toutefois jamais abouti.
La bataille pour sa succession, désormais lancée, s’annonce ouverte et imprévisible. Entre vetos possibles, rivalités régionales et équilibres diplomatiques mouvants, aucun nom ne semble se détacher pour l’instant. Le futur Secrétaire général devra non seulement rassembler un vaste consensus, mais aussi être capable de tenir le cap dans un système multilatéral plus contesté que jamais.
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