Par Dohtani Yeo
À quelques mois de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025, l’opposition ivoirienne semble condamnée à l’émiettement. Loin de former un front uni face à un RHDP solidement organisé, elle se débat dans ses contradictions internes, ses rivalités personnelles et ses lignes idéologiques mal définies. Cette fragmentation, qui fragilise toute tentative d’alternance démocratique, est aujourd’hui l’un des talons d’Achille majeurs du paysage politique national.
Le PPA-CI de Laurent Gbagbo, qui continue de jouir d’une solide base militante dans certaines régions, se bat pour retrouver son ancrage national. Pourtant, son discours reste fortement polarisé, marqué par une mémoire du conflit post-électoral de 2010-2011 qui continue de peser sur sa capacité à rassembler au-delà de ses bastions historiques. Gbagbo lui-même, bien que charismatique, cristallise autant l’adhésion que la méfiance, y compris parmi les plus jeunes électeurs.
En parallèle, le PDCI-RDA, longtemps pilier de l’opposition modérée, traverse une période de turbulence. L’élection de Tidjane Thiam à la tête du parti avait suscité un regain d’espoir et un souffle de modernité. Pourtant, les promesses d’unité ont rapidement été mises à l’épreuve par des tensions internes. L’affaire qui oppose Thiam à Valérie Yapo, ancienne secrétaire exécutive adjointe du parti, a mis en lumière les clivages profonds entre les nouvelles élites technocratiques et les barons historiques de la formation. Entre contestation de procédures et rivalités de leadership, le PDCI-RDA peine à retrouver la cohérence stratégique d’antan.
Enfin, une série de candidatures indépendantes – ou issues de petits partis – cherchent à se frayer un chemin en capitalisant sur le rejet global du système politique actuel. Mais en l’absence d’une coalition claire ou d’un projet alternatif fédérateur, ces initiatives peinent à dépasser le stade du témoignage électoral.
Les tentatives de dialogue pour une plateforme commune de l’opposition, initiées en coulisse, n’ont pour l’instant débouché sur aucun accord structuré. La méfiance mutuelle, les ego surdimensionnés et les querelles de préséance paralysent les initiatives d’union. Pourtant, une chose est certaine : face à un RHDP qui pourrait reconduire Alassane Ouattara ou lui trouver un successeur consensuel, une opposition divisée court le risque de l’inefficacité.
L’histoire politique ivoirienne a démontré que l’unité dans la diversité est possible. Mais elle exige des compromis douloureux, une vision partagée et une humilité politique qui, pour l’heure, semblent encore hors de portée.
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