Par La Rédaction | lementor.net
Le président Alassane Ouattara prend part cette année à l’Assemblée générale des Nations Unies, un rituel diplomatique qui, loin d’être une formalité, constitue un moment stratégique pour la Côte d’Ivoire. Chaque chef d’État qui se présente à cette tribune se sait observé, évalué et souvent jugé, non seulement par ses pairs et par les grandes puissances, mais aussi par son opinion nationale. Pour Ouattara, à quelques semaines d’un scrutin présidentiel décisif, l’exercice prend une dimension toute particulière. Il ne s’agit pas seulement de parler au monde, mais aussi, indirectement, de s’adresser aux Ivoiriens.
La scène internationale comme vitrine
Depuis son retour aux affaires en 2011, Ouattara s’est attaché à repositionner la Côte d’Ivoire sur la carte diplomatique mondiale. Son discours à l’ONU est donc l’occasion de réaffirmer le rôle du pays comme acteur clé de la sous-région ouest-africaine. Sur les questions de paix et de sécurité, la voix ivoirienne a souvent pesé, notamment dans les débats sur le terrorisme au Sahel, la stabilité des États fragiles, ou encore la réforme du système multilatéral. Dans un contexte international marqué par des recompositions géopolitiques — retour du protectionnisme, essor des BRICS, tensions Nord-Sud —, Ouattara cherchera à démontrer que l’Afrique de l’Ouest ne doit pas être une périphérie, mais un centre d’initiatives et de propositions.
Les dossiers chauds du continent
À New York, plusieurs thèmes devraient figurer en bonne place dans l’agenda ivoirien. La sécurité régionale, d’abord, avec l’inquiétante avancée des groupes armés dans la zone sahélienne, qui fragilise le Burkina Faso, le Mali et menace par ricochet la stabilité ivoirienne. La Côte d’Ivoire veut apparaître comme un pilier de résilience dans cet environnement instable. L’économie ensuite, car l’ONU demeure aussi une vitrine pour promouvoir des partenariats. À l’heure où Abidjan multiplie les forums économiques, il s’agira de rappeler les ambitions du pays en matière d’investissements, de diversification agricole, de transition énergétique et d’intégration régionale. Enfin, la question climatique reste incontournable : la Côte d’Ivoire, comme de nombreux pays africains, est victime d’une vulnérabilité disproportionnée face aux effets du changement climatique, tout en disposant d’un potentiel considérable dans les énergies vertes et la finance durable.
L’ombre du contexte national
Si le discours de Ouattara s’adresse au monde, il résonnera aussi dans les rues d’Abidjan, de Bouaké ou de Korhogo. L’élection présidentielle d’octobre 2025 approche à grands pas et le climat politique s’électrise. Dans ce contexte, l’image que projettera le président aux Nations Unies sera scrutée par ses adversaires et ses partisans. Montrera-t-il la figure d’un leader serein, maître de son agenda diplomatique, ou bien celle d’un président davantage préoccupé par ses équilibres internes ? Pour une partie de l’opinion, la tribune onusienne sera l’occasion de mesurer la crédibilité internationale du chef de l’État, un paramètre qui, indirectement, joue sur le rapport de forces politique à l’intérieur du pays.
Pouvoir, opposition et responsabilité partagée
Le passage de Ouattara à New York met aussi en lumière une équation délicate : comment concilier une stature internationale forte avec un jeu démocratique apaisé en interne ? Le pouvoir dispose des leviers institutionnels, mais il doit veiller à respecter les règles de la compétition électorale. L’opposition, quant à elle, devra s’appuyer sur des arguments solides, des programmes clairs et une capacité de mobilisation pacifique. Dans cette dialectique, le rôle du président à l’ONU est symbolique : il ne parle pas seulement en tant que candidat ou chef de parti, mais comme incarnation de la Côte d’Ivoire.
Une tribune qui engage l’avenir
L’enjeu de ce passage ne se limite pas au discours. Il s’agit d’une scène où s’évaluent les orientations stratégiques d’un pays. La Côte d’Ivoire y défendra ses choix économiques, son engagement pour la paix et son ambition d’être un acteur crédible dans les débats mondiaux. Mais ce rendez-vous sera aussi un test de perception : la communauté internationale cherchera à savoir si le pays avance sur la voie d’une démocratie apaisée et d’un développement inclusif. Les Ivoiriens, eux, espéreront que leur président parle au monde sans oublier les urgences nationales : le coût de la vie, l’emploi des jeunes, la cohésion sociale.
En définitive, ce discours à la tribune des Nations Unies sera bien plus qu’une formalité diplomatique. Il représentera une photographie de la Côte d’Ivoire au seuil d’une nouvelle échéance électorale, entre ambitions internationales et réalités nationales. Ce sera aussi un moment de vérité : celui où le chef de l’État doit convaincre le monde de la solidité de sa vision, et rassurer son peuple sur la volonté de préserver la paix. Car dans le tumulte des stratégies politiques, une certitude demeure : la Côte d’Ivoire ne peut pas se permettre que les populations paient encore une fois le prix des ambitions partisanes.
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