Par La Rédaction
Le mot a longtemps été murmuré, puis contesté, moqué, rejeté. Et pourtant, il revient toujours. Comme un fantôme insistant dans les couloirs feutrés des états-majors politiques. Le “Plan B”. Ce fameux plan de secours que l’on garde sous le coude, que l’on nie en public mais que l’on peaufine en privé. Il a défrayé la chronique au PDCI, provoqué des crispations, alimenté des débats sans fin. Mais en prenant un peu de recul, une question s’impose : et si le Plan B était en réalité le signe le plus évident de lucidité politique ?
Dans les faits, toutes les grandes formations politiques ivoiriennes y viennent, tôt ou tard. Au RHDP, on a beau brandir la continuité et la légitimité naturelle du chef, la question d’une transition maîtrisée ne peut plus être éludée. En 2025 ou en 2030, le parti devra nécessairement composer avec une relève, préparée ou improvisée. Ce ne sera peut-être pas un Plan B, mais ce sera un autre plan, un autre visage, une autre équation.
Au PPACI, malgré l’autorité intacte de Laurent Gbagbo, le temps impose une réflexion sur l’après. On ne défie pas les calendriers biologiques et institutionnels sans envisager l’avenir. Et là encore, le Plan B s’invite, même quand il est nié. Le nom n’est pas encore officiellement prononcé, mais l’idée s’installe : anticiper, sécuriser, transmettre.
Et au PDCI, l’expérience parle d’elle-même. Après des mois de résistance face à la question de la relève, le silence devient plus stratégique que frontal. Car la lucidité a fini par l’emporter : nul n’est éternel, pas même en politique. Ce qui hier était perçu comme une trahison est aujourd’hui analysé comme une nécessité démocratique.
Le mal, en réalité, n’est pas dans le Plan B. Il est dans le déni du réel. Gouverner, c’est prévoir. Et prévoir, c’est préparer les transitions avant qu’elles ne s’imposent dans l’urgence ou le chaos. Le Sénégal vient de le prouver. Diomaye Faye, hier plan B discret de dernière minute, est aujourd’hui président. Un homme issu de l’ombre, mais pas de l’improvisation. Une réussite politique qui doit inspirer.
Même à l’international, les exemples abondent. Emmanuel Macron fut, en quelque sorte, un Plan B d’un système essoufflé, projeté au sommet faute de mieux, mais porté par une promesse de renouveau. Kamala Harris, même si son image s’est brouillée, reste un symbole fort de ce que peut représenter un plan de relève réfléchi, même dans l’urgence. Que dire de Joe Biden lui-même, dont les doutes sur l’endurance forcent les démocrates à rouvrir des scénarios de substitution ?
Non, décidément, le Plan B n’est pas un drame. C’est une marque d’intelligence politique, d’anticipation institutionnelle, de respect envers les électeurs. Un système qui s’y refuse est un système qui nie la nature même du pouvoir : sa finitude. C’est aussi une manière de préparer l’opinion à accepter que le leadership n’est pas un destin unique, mais une construction collective.
Il est temps de dédramatiser l’alternative. Un plan B n’est pas un désaveu. C’est un devoir. Ce n’est pas une trahison. C’est une preuve de maturité. Ce n’est pas un recul. C’est une protection contre l’incertitude.
Et peut-être qu’au fond, le vrai problème n’est pas le Plan B, mais l’obsession de croire que l’on est irremplaçable.
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