Par Jean Pierre Assa | Lementor.net
Le 9 août 2025, Yopougon a été le théâtre d’une mobilisation politique et citoyenne d’une ampleur inédite dans la campagne présidentielle qui s’annonce. Organisée par le Front Commun PPA-CI–PDCI-RDA, la marche a réuni des milliers d’Ivoiriens venus exiger une élection inclusive. Encadrée par les forces de l’ordre dans un calme remarquable, l’initiative a été saluée par Alternative Citoyenne Ivoirienne (ACI) comme une démonstration de maturité démocratique et un signal fort adressé au sommet de l’État.
Mais derrière cette image d’unité apparente, la scène politique révèle des fractures persistantes qui fragilisent toute dynamique de changement. L’appel de l’ACI à un dialogue national inclusif, adressé directement au président Alassane Ouattara, met en lumière un double enjeu : la nécessité de conditions électorales transparentes et l’urgence d’un consensus politique minimal. La lettre ouverte, au ton à la fois respectueux et ferme, rappelle à Ouattara son engagement à organiser « une élection démocratique et apaisée » et le somme de traduire cette promesse en actes, sous peine de s’aliéner une partie du corps social.
Pourtant, les obstacles restent nombreux. Les divergences idéologiques entre les formations d’opposition — plus radicales du côté du PPA-CI, plus modérées au PDCI, méfiantes envers GPS et Blé Goudé — continuent de freiner toute unification stratégique. La marche de Yopougon, bien que réussie sur le plan de la mobilisation, n’a pas levé les suspicions réciproques ni clarifié la vision commune pour « l’après Ouattara ». Les ambitions individuelles des leaders et la compétition pour le leadership du bloc anti-RHDP réduisent l’impact potentiel d’un tel élan populaire.
Sur le plan tactique, le pouvoir sortant, discipliné et structuré, semble capitaliser sur ces divisions. L’absence d’un front clair, d’un programme consensuel et d’une stratégie électorale coordonnée donne à la majorité présidentielle une avance structurelle. La marche, aussi symbolique soit-elle, risque de rester un coup d’éclat sans lendemain si elle ne s’inscrit pas dans une séquence politique plus large et organisée.
L’ultimatum citoyen lancé par l’ACI — « la décision vous appartient et l’histoire vous regarde » — place le chef de l’État devant un choix à forte portée historique. Soit répondre à l’appel à l’inclusivité, renforçant ainsi la légitimité du scrutin, soit maintenir le statu quo au risque d’alimenter un climat de défiance et de conflictualité latente. À moins de trois mois de l’échéance, chaque geste, chaque silence et chaque manœuvre pèsera lourd dans l’équation électorale ivoirienne.
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