Par La Rédaction
Abidjan, 26 juin 2025 – À quatre mois du scrutin présidentiel, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a tranché : les recours introduits par Laurent Gbagbo et Guillaume Soro sont rejetés. Cette décision clôt toute perspective de participation de ces deux figures majeures de la vie politique ivoirienne à la présidentielle d’octobre prochain. Un tournant juridique et politique qui suscite autant d’analyses que de réactions contrastées.
Une fin de non-recevoir pour deux poids lourds
La CADHP a rejeté la requête de Laurent Gbagbo au motif qu’il n’a pas démontré de violation de ses droits fondamentaux lors de sa radiation de la liste électorale en 2020. Malgré son acquittement par la CPI et une grâce présidentielle, sa condamnation reste juridiquement active aux yeux de la législation ivoirienne.
Guillaume Soro, de son côté, voit sa requête déclarée irrecevable : la Cour considère qu’il n’a pas épuisé les voies de recours internes en Côte d’Ivoire avant de s’adresser à elle. Condamné par contumace, l’ancien chef du parlement reste juridiquement disqualifié.
Des lectures politiques opposées
Ces décisions judiciaires sont perçues différemment selon les sensibilités politiques. Du côté du RHDP et de ses électeurs, elles sont vues comme le respect de l’État de droit et du cadre constitutionnel en vigueur. La justice aurait simplement fait son travail, sans interférences, en se fondant sur le droit et non sur les considérations politiques.
En revanche, chez les partisans de Gbagbo et Soro, ces rejets suscitent de la frustration et ravivent le sentiment d’un processus électoral verrouillé. Beaucoup y voient un mécanisme d’exclusion, plus politique que juridique, qui fragilise la pluralité du débat démocratique.
Mais au-delà des clivages, une réalité s’impose : l’élection présidentielle de 2025 se jouera sans deux des figures les plus influentes de ces vingt dernières années.
Un champ politique redessiné
La mise à l’écart de Gbagbo et Soro oblige l’opposition à se réorganiser. Le PPACI (de Laurent Gbagbo) devra mobiliser sans son leader historique. Le PDCI, désormais dirigé par des cadres de l’ère post-Bédié, cherche à incarner une alternance crédible. Quant à des plateformes émergentes comme AJUNA (portée par Assalé Tiémoko et Vincent Toh Bi), elles tentent de canaliser l’aspiration d’une partie de la jeunesse à un renouveau politique.
Dans ce contexte, le RHDP reste en position favorable. Si le président Alassane Ouattara n’a pas encore officialisé sa candidature, sa désignation par acclamation lors du dernier congrès du parti et l’absence de rivaux de poids rendent plausible une reconduction, que ce soit à travers lui ou un dauphin choisi.
Quel impact sur le scrutin ?
Il serait réducteur de penser que le rejet de ces deux candidatures affecte l’ensemble du corps électoral. Si une partie des électeurs, notamment les proches de Gbagbo et Soro, peuvent exprimer colère ou démobilisation, d’autres – notamment les partisans du RHDP – considèrent cette clarification juridique comme légitime.
Cela dit, le risque d’un scrutin marqué par une faible participation ou une polarisation accrue n’est pas à écarter. L’adhésion au processus électoral dépendra en grande partie de la capacité de tous les acteurs à garantir un climat apaisé, équitable et transparent.
Le rejet des recours de Gbagbo et Soro marque une étape décisive vers une présidentielle dont l’issue semble, pour l’instant, favoriser le pouvoir en place. Mais l’histoire électorale ivoirienne l’a montré à plusieurs reprises : rien n’est jamais écrit d’avance. Les mois à venir diront si cette élection saura ouvrir une nouvelle page de stabilité ou si elle prolongera les tensions non résolues du passé.
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