Par Jean Pierre Assa
La Côte d’Ivoire est entrée ce 4 juin dans une nouvelle phase politique avec la publication de la liste électorale définitive en vue de la présidentielle du 25 octobre 2025. Un chiffre retient l’attention : 8,7 millions d’électeurs sont officiellement appelés aux urnes. Mais ce n’est pas ce volume qui suscite le plus de réactions. Ce sont les absences notables. Quatre figures emblématiques de la scène politique ivoirienne – Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro – ont été radiées de cette liste.
Pour les partisans du pouvoir, la CEI n’a fait qu’appliquer la loi. Des condamnations judiciaires, des situations administratives ou des absences prolongées du territoire auraient empêché ces anciens chefs d’État ou leaders politiques de remplir les conditions légales requises. Pour d’autres, cette décision alimente un climat de suspicion et de fermeture politique à l’approche d’un scrutin décisif.
Tidjane Thiam, récemment réélu à la tête du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), a choisi de contester sa radiation en saisissant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Une démarche inédite qui porte le débat électoral ivoirien sur la scène internationale. Pour les cadres du PDCI, cette exclusion fragilise la crédibilité du processus. Du côté du PPA-CI, la réaction est plus mesurée, mais la déception est palpable.
Cette situation soulève une question cruciale : la régularité juridique prime-t-elle sur la légitimité politique ? Le droit électoral peut-il écarter des acteurs plébiscités par une partie de la population sans provoquer de rupture de confiance envers les institutions ? La CEI, garante du processus, défend une posture de neutralité et de transparence. Mais sur le terrain, la perception est tout autre. Dans les quartiers populaires, comme dans les cercles politiques, certains redoutent une élection « sans enjeux », ou pire, sans alternatives.
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’État de droit, mais de questionner les effets politiques d’un tel filtre électoral. Si le contentieux électoral quitte la scène ivoirienne pour celle des tribunaux internationaux, comme l’ONU, c’est aussi le signe d’un malaise démocratique persistant.
La Côte d’Ivoire reste à ce jour l’un des pays les plus stables de la région ouest-africaine. Mais cette stabilité politique, souvent vantée à l’international, pourrait se fissurer si la compétition électorale se réduit à une formalité. Une élection libre et inclusive ne garantit pas toujours la paix, mais son absence nourrit immanquablement le doute, l’abstention ou la défiance.
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