Par Dohotani Yeo | Lementor.net
À moins de trois mois de la présidentielle du 25 octobre 2025, l’opposition ivoirienne semble plus fragmentée que jamais. Les ambitions personnelles, les divergences idéologiques et les querelles de leadership s’accumulent, laissant planer un sérieux doute sur sa capacité à constituer une alternative crédible face à un pouvoir qui, lui, reste soudé et stratégiquement discipliné.
La création de la coalition CAP-CI, censée incarner le socle d’un front unifié, n’a pas produit l’élan espéré. Les fractures sont apparues rapidement, alimentées par des décisions unilatérales, des alliances parallèles et un manque de vision commune. Au centre de ces tensions, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de Tidjane Thiam peine à imposer une ligne claire. Accusé par ses alliés de jouer en solo, le PDCI oscille entre posture d’opposant ferme et recherche de compromis politiques. L’épisode de l’arrestation de Kando Soumahoro, cadre du GPS de Guillaume Soro, en est un exemple parlant : tout en exprimant un soutien personnel à l’intéressé, Thiam a rejeté catégoriquement toute idée d’alliance avec le GPS, illustrant la difficulté de concilier son rôle dans la CAP-CI avec des initiatives communes au PPA-CI de Laurent Gbagbo.
Les coups d’éclat parlementaires, comme la sortie des députés PDCI de l’hémicycle le 30 juin, ont eu un impact médiatique mais n’ont pas masqué les dissensions internes. Maurice Kakou Guikahué, figure influente du parti, s’est opposé à cette action et a choisi de rester dans l’hémicycle, révélant un manque d’alignement stratégique au sommet du PDCI. Dans le reste de l’opposition, les rancunes sont tenaces : Charles Blé Goudé rejette toute collaboration avec Guillaume Soro, et les invectives publiques entre leaders accentuent l’impression d’une opposition incapable de dépasser les différends personnels.
Sur le terrain, le déficit d’efficacité de la CAP-CI est patent. Le meeting de Yopougon du 31 mai, annoncé comme une démonstration de force, a déçu par sa faible mobilisation et son organisation approximative. Le PDCI a ensuite organisé, le 14 juin, une marche en son nom propre, sans réelle coordination avec ses partenaires, confirmant le manque de synergie. Les départs de figures comme Lamoussa Djinko, dénonçant le refus d’une élection interne pour désigner un chef de coalition, ajoutent aux critiques sur l’absence de démocratie interne et sur la centralisation excessive des décisions.
La récente alliance PDCI–PPA-CI, annoncée par Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, est présentée comme un sursaut stratégique pour mutualiser les forces avant le scrutin. Mais cette initiative, loin de souder l’opposition, a été perçue par certains alliés de la CAP-CI comme un coup de poignard politique. Entre opportunisme et calcul électoral, ce rapprochement a renforcé la défiance de plusieurs partenaires déjà frustrés par la gestion solitaire du PDCI.
À ces tensions politiques s’ajoutent des divergences idéologiques profondes. Là où le PPA-CI plaide pour une refonte radicale des institutions et une confrontation frontale avec le pouvoir, le PDCI privilégie un discours plus modéré et réformiste. Les mouvements de Guillaume Soro et Charles Blé Goudé, eux, poursuivent des agendas distincts, souvent incompatibles, avec des lignes rouges qui rendent toute unification illusoire à court terme.
Face à une majorité présidentielle disciplinée, disposant d’une machine électorale huilée et d’un contrôle maîtrisé des enjeux institutionnels, l’opposition se présente comme un conglomérat d’intérêts concurrents, plus occupé à gérer ses rivalités qu’à convaincre l’électorat. Si aucune clarification stratégique et idéologique n’intervient rapidement, la présidentielle 2025 risque de tourner à une formalité pour Alassane Ouattara, et l’histoire retiendra une opposition incapable de transformer l’unité affichée dans les discours en puissance politique effective sur le terrain.
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