Par La Rédaction
Ce qui semblait, il y a encore quelques mois, une trajectoire de convergence au sein de l’opposition ivoirienne s’effrite désormais sous les yeux d’une opinion publique perplexe. Tandis que le PDCI et le PPA‑CI viennent de formaliser un front commun historique, Simone Gbagbo, figure centrale de la CAP‑CI, opère un rapprochement tactique avec le RHDP, ouvrant un dialogue bilatéral en marge de toute coordination structurée avec les autres pôles de l’opposition. Ce tableau révèle une vérité que beaucoup évitaient de nommer : l’opposition ivoirienne est aujourd’hui divisée, tiraillée entre alliances concurrentes, ambitions croisées et stratégies électorales irréconciliables.
La promesse d’unité portée au lendemain de la CAN 2023, où la classe politique semblait vouloir capitaliser sur l’élan populaire pour bâtir un cadre politique commun, s’est diluée dans les positionnements individuels. La plateforme PDCI–PPA‑CI, signée ce 16 juillet, avait pourtant vocation à fédérer. Mais au lieu d’unir l’ensemble des forces d’opposition, elle révèle désormais la fracture. Car la CAP‑CI de Simone Gbagbo ne s’y associe pas. Pire encore, elle engage un dialogue direct avec le RHDP, dans une démarche que certains décrivent comme une tentative solitaire d’exister en dehors de l’ombre du PPA‑CI et du PDCI.
Cette ligne de fracture n’est pas idéologique – tous les camps se rejoignent dans la critique du pouvoir en place et dans l’appel à une réforme du cadre électoral. Elle est stratégique. Il ne fait plus de doute que Simone Gbagbo se positionne elle-même comme candidate potentielle ou figure centrale de l’opposition “responsable”, celle qui dialogue, qui tempère, qui cherche des issues à l’intérieur du système plutôt que par la confrontation frontale. En choisissant de parler directement avec Ibrahim Cissé Bacongo et les cadres du RHDP, elle légitime l’ordre établi tout en contournant ses anciens partenaires. Cette stratégie, habile sur le court terme, isole toutefois la CAP‑CI sur le plan symbolique et la marginalise dans le jeu de force global qui se redessine.
En face, le duo PDCI–PPA‑CI joue la carte de la radicalité encadrée : réintégration des leaders radiés, audit du fichier électoral, réforme de la CEI, résultats bureau par bureau. Mais leur union soulève encore des doutes. Ni Tidjane Thiam ni Laurent Gbagbo n’ont pour l’instant fait de déclaration conjointe. Le choix d’un candidat unique semble encore lointain, et les tensions internes sont palpables. L’union est actée sur le papier, mais son incarnation politique reste floue.
Cette division structurelle, si elle perdure, prépare le terrain à une élection en « pièces détachées », où chaque bloc d’opposition avancera avec son propre discours, son propre agenda, son propre électorat. Dans une présidentielle aussi déterminante que celle d’octobre 2025, cette dispersion pourrait avoir un coût : la dilution des voix, l’effritement du rapport de force, et in fine, la reconduction facilitée du pouvoir sortant.
Le RHDP, lui, observe, écoute et capitalise. L’ouverture d’un canal avec Simone Gbagbo permet au régime de jouer la carte du dialogue tout en maintenant la pression sur l’alliance PDCI–PPA‑CI. Dans ce jeu d’échecs politique, chaque mouvement de l’opposition est observé, exploité, retourné.
À mesure que les mois passent, l’opposition ivoirienne semble rejouer un scénario connu : celui de la fragmentation interne à la veille des grands rendez-vous. Une opposition forte ne se décrète pas. Elle se construit sur des compromis, des sacrifices stratégiques, des visions partagées. Rien de tout cela ne semble aujourd’hui cristallisé. En l’état, le rêve d’une alternance en 2025 risque de s’éloigner, non pas faute de soutien populaire, mais faute d’architecture politique cohérente.
Ce qui se joue désormais, c’est moins une question de programme qu’une bataille de leadership sur la représentation même de l’opposition. Qui parlera au nom du changement ? Qui incarnera la rupture crédible ? Simone Gbagbo, le duo Thiam–Gbagbo, ou un troisième profil encore en réserve ? Derrière la façade des collectifs et des fronts communs, le vrai combat vient à peine de commencer : celui du contrôle du récit de l’opposition.
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