Par Jean Pierre Assa
Lors d’un entretien accordé récemment au journaliste Alain Foka, Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), s’est livré à un exercice qui restera sans doute comme l’un des moments les plus révélateurs, et les plus regrettables, de sa carrière politique naissante. Interrogé sur les critiques émises à son encontre, il n’a pas hésité à traiter le docteur Arthur Banga d’« imbécile » et le journaliste Yacouba Doumbia d’« idiot ». Une sortie inacceptable, d’autant plus qu’elle vise deux citoyens qui n’ont commis d’autre « forfait » que d’exercer leur liberté d’opinion, en formulant des analyses politiques qui, certes, peuvent déranger, mais restent parfaitement légitimes dans tout régime démocratique digne de ce nom.
Cette séquence marque une rupture. Jusqu’ici, l’image de Tidjane Thiam était celle d’un technocrate hors pair, d’un esprit brillant, major de toutes ses promotions, qui portait sur ses épaules les espoirs d’une Côte d’Ivoire moderne et réconciliée. Son éviction des listes électorales avait d’ailleurs suscité l’indignation de nombreux observateurs, convaincus que le pouvoir en place redoutait sa popularité croissante et sa capacité à fédérer bien au-delà de son camp.
Mais voilà que le vernis s’écaille.
En quelques minutes, Thiam a révélé les failles profondes d’un homme que beaucoup avaient idéalisé : une personnalité impulsive, prompte à l’invective, incapable de contenir ses émotions face à la contradiction. Plus grave encore, il a affiché, avec une légèreté déconcertante, une méconnaissance troublante des textes fondamentaux de la République, allant jusqu’à avouer ne pas connaître l’article 48 de la Constitution ivoirienne, un article pourtant central pour sa participation à la présidentielle.
Peut-on aspirer aux plus hautes fonctions de l’État en méprisant à ce point le débat d’idées ? Peut-on prétendre incarner l’alternance démocratique en insultant ceux qui pensent autrement ? Cette posture révèle non seulement un déficit de culture politique, mais aussi une absence de préparation à l’exercice du pouvoir dans un État pluraliste.
Le respect des opinions divergentes, la maîtrise de soi, la connaissance des institutions ne sont pas des options pour un homme d’État ; ce sont des prérequis. En se laissant aller à l’invective, Tidjane Thiam a renié les valeurs de tolérance, d’élégance intellectuelle et de responsabilité qui fondent toute ambition républicaine.
Il ne suffit pas d’avoir dirigé une grande banque ou d’avoir brillé sur les places financières internationales pour gouverner un peuple. Il faut de la hauteur, de la sagesse, et surtout, du respect. Ce jour-là, Tidjane Thiam a perdu bien plus qu’un débat : il a perdu une part de sa crédibilité.
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