La création de la Zone AES, officialisée en 2023 par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a profondément modifié les équilibres géopolitiques en Afrique de l’Ouest. Regroupés autour d’un projet commun de souveraineté, de sécurité et de rupture avec les structures régionales classiques, ces trois États entendent construire une nouvelle trajectoire politique et économique. Mais quel avenir peut-on envisager pour cette alliance inédite ? Plusieurs scénarios se dessinent à court et moyen terme, entre consolidation, transformation et incertitudes.
Le premier scénario est celui d’une consolidation progressive de l’alliance. Dans cette hypothèse, les régimes militaires parviennent à stabiliser leurs territoires, à renforcer la coopération militaire régionale et à poser les bases d’un cadre institutionnel commun. Des avancées symboliques, comme la création d’un Secrétariat général permanent, d’un Fonds commun pour la sécurité ou d’un agenda économique coordonné, viendraient ancrer la Zone AES dans la durée. Une telle dynamique serait favorisée par le maintien du soutien populaire et par l’afflux de partenariats extérieurs solides, notamment avec des puissances comme la Russie, la Turquie ou la Chine.
Un second scénario serait celui d’une normalisation politique, sous pression des réalités internes ou des partenaires internationaux. Dans cette perspective, les régimes de transition organiseraient des élections, tout en cherchant à préserver les acquis stratégiques de leur alliance. La Zone AES évoluerait alors vers une forme d’union souple, combinant alternance politique et coopération régionale, sans remettre en cause le principe de souveraineté renforcée. Ce scénario dépendrait en grande partie de la capacité des acteurs à garantir une sortie de crise crédible et à éviter la dérive autoritaire.
Un troisième scénario envisage un essoufflement progressif. Les contraintes économiques, les divisions internes, les difficultés sécuritaires persistantes ou la perte de légitimité populaire pourraient conduire à un affaiblissement de la dynamique AES. Sans institutions solides ni résultats tangibles, l’alliance risquerait alors de se réduire à une coordination symbolique, peinant à se différencier durablement des organisations régionales existantes. Ce scénario serait aggravé par une pression internationale accrue ou par des divergences entre les trois États membres.
Enfin, un dernier scénario, plus incertain, est celui d’un élargissement possible. Certains analystes évoquent la possibilité que d’autres pays africains rejoignent la Zone AES, en particulier ceux partageant les mêmes critiques vis-à-vis de la CEDEAO ou traversant des phases de transition politique. Une telle évolution transformerait l’alliance en un véritable bloc idéologique, capable de peser dans les équilibres du continent. Elle soulèverait néanmoins des défis majeurs en termes de gouvernance, d’harmonisation des politiques et de stabilité institutionnelle.
L’avenir de la Zone AES dépendra avant tout de sa capacité à concilier ambitions souverainistes, efficacité concrète et adhésion populaire. L’enjeu est de transformer une alliance de circonstance en un projet structurant, capable de durer au-delà des transitions militaires. Entre risques et opportunités, la Zone AES se trouve aujourd’hui à un carrefour historique.
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