C’est sans doute le secret le plus vieux et le mieux gardé au monde depuis que les sociétés humaines ont adopté le Léviathan pour les gouverner. Loin du monstre mythique, la métaphore a été employée par Thomas Hobbes pour désigner l’Etat. Ce secret si jalousement gardé concerne bien la santé du dirigeant, car même dans nos sociétés traditionnelles africaines le chef n’était jamais malade. Et quand bien même il l’aurait été, seuls ses intimes les plus proches en auraient eu connaissance.
Cette vérité anthropologique vieille comme le monde n’a pas épargné les sociétés modernes. C’est d’ailleurs ce qui a valu à Pierre Rentchnick et à Pierre Accoce de publier le livre dont nous empruntons le titre. Ainsi, selon cet ouvrage, l’histoire a retenu que Franklin Roosevelt était malade à Yalta. Les photos de l’époque en témoignent. Mais qui sait que sa tension artérielle atteignait alors trente à son maximum, oblitérant dramatiquement sa lucidité dans la négociation capitale qu’il engageait avec Staline sur le partage du monde? Autre cas illustre, celui de François Mitterrand qui, bien qu’ayant promis que sa santé ferait l’objet de bulletins périodiques, a soigneusement caché le cancer de la prostate qui a fini par l’emporter.
Pour ne pas oublier de balayer devant notre porte, nous rappellerons les rumeurs les plus folles qui, il n’y a pas si longtemps, ont couru sur la santé de Blaise Compaoré. Des bruits de la ville qui ont valu de la part du locataire de Kosyam un commentaire mi-amusé mi-sarcastique, mais pas suffisamment étayé pour situer le vulgum pecus.
Plus actuel et d’une actualité brûlante, le cas Alassane Ouattara. Hospitalisé à Paris depuis début février, officiellement pour se faire opérer d’une sciatique, le chef de l’Etat ivoirien a cristallisé autour de sa personne un tourbillon médiatique. On sait ce que la presse ivoirienne, qu’elle roule pour ou contre lui, a pu dire sur ce qui, à un an et demi de la prochaine présidentielle, était devenu une véritable affaire d’Etat. En effet, des propos alarmistes ou au contraire rassurants se sont disputés l’espace médiatique à qui mieux mieux. Et après trois semaines de silence, le convalescent a fait une première apparition à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Paris avant d’effectuer un retour triomphal hier dimanche dans l’après-midi à Abidjan.
Et rien n’a été négligé pour donner un éclat particulier à ce come-back : accueil à l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny par le chef du gouvernement ivoirien, Daniel Kablan Duncan ; le président de l’Assemblée nationale ; les chefs d’institution ; le corps diplomatique et, cerise sur le gâteau, le Roi du Maroc, Mohamed VI, présent à Abidjan depuis la semaine dernière. Sur l’itinéraire vers le palais de Cocody, des écrans géants ont été installés pour diffuser cet accueil retransmis en live par la chaîne nationale RTI1. «Je me porte bien», a lancé Alassane Ouattara, en brandissant sa canne. S’en servira-t-il le restant de ses jours ou juste le temps de la rééducation de ce nerf sciatique dont la névralgie lui a valu une opération et un assez long séjour médical en France ?
Pour une «simple sciatique», comme on le dit officiellement, la Côte d’Ivoire manque-t-elle de plateau technique approprié ou de spécialistes en la matière, ce qui a obligé son président à s’en remettre à l’expertise française ? Ou faut-il plutôt voir là l’expression de ce tropisme français qui poussera bien de nos dirigeants à recourir aux bistouris et autres scalpels de l’Hexagone, même pour un rhume des foins ou une cataracte partielle ?
Ainsi, tout est bien qui finit bien pour le président ivoirien, qui pourra poursuivre l’œuvre de reconstruction entamée par ses soins
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